





Ballerina, un gros flop ?
Critique et experts des chiffres d'exploitation s'interrogent lourdement ces dernières heures, au lendemain de la sortie du film d'action événement du moment faisant office de pré summer movie : la déclinaison au féminin, et féministe, de la franchise John Wick, saga si familière des aficionados de divertissements pétaradants.
Dans Ballerina donc, incarnant la survoltée héroïne titre, Ana de Armas fait des étincelles et confirme son statut de badass girl. Ou plutôt de femme d'action invétérée, condition déjà suggérée à travers le tout dernier James Bond version Daniel Craig. Ana de Armas s'émancipe de son statut de sex symbol avec des rôles exigeants (dans Blonde où elle incarne Marilyn) et des partitions plus "grand public" qui cependant s'exercent à déjouer habilement les stéréotypes de genre...
Reste une question : est-ce que ça fonctionne vraiment ?
Le public à l'unisson exerce son droit à doute.
Et les chiffres s'en ressentent. C'est là le constat cinglant d'IndieWire. Le média cinéma décoche son verdict dans son dernier billet : "Le lancement de ce spin off à 25 millions de dollars de recettes est une déception, compte tenu de la croissance constante au box office de chaque film « John Wick »".
Et le site d'étayer son bilan loin d'être élogieux : "Une qualité unique de la franchise « John Wick » — et que la boîte Lionsgate est heureux de vanter — est que chaque opus de la série a été plus important économiquement, en terme de profits, que le précédent. Or Ballerina réalise un score d'ouverture inférieur à tous les films sauf le film « Wick » original de 2014, qui a lancé à 14,4 millions de dollars avant de devenir un succès surprise".
La déception semble être de taille pour Lionsgate, qui a fait de la saga John Wick sa poule aux oeufs d'or, et voyait dans cette occurrence l'aubaine de fédérer une autre audience. Est-ce pour autant la fin du cinéma d'action "au féminin" et surtout, féministe ?
Nulle doute que... non : déception ou non au box office, la tradition pas toujours si empouvoirante d'ailleurs des flingueuses et hitwomen iconiques ne date pas d'hier et ne risque guère de s'arrêter. Hollywood a longtemps promu, et la plupart du temps en faisant fi de certaines réticences, les badass women tendance Ripley (Alien), Sarah Connor (Terminator) sans omettre des actrices musclées habituées aux récits testostéronés telles que Michelle Rodriguez (Fast & Furious), Margot Robbie (Birds of Prey) et Scarlett Johansson (The Avengers, le futur Jurassic World).
C'est souvent au niveau des clichés que l'enjeu se joue, là où ériger en "femmes puissantes" des héroïnes d'action ne permet pas forcément d'échapper à la caricature ou au sexisme, et oui - la Milla Jovovich de Resident Evil ne brillait pas toujours par la finesse d'une écriture ciselée et dépourvue de beauferie. A ce niveau, Ana de Armas semble-t-il parvient via sa présence habituelle et sa conviction à déjouer ce piège trop facile. Idéal pour envoyer le cinéma d'action dans le 21ème siècle et plus encore, une ère post-#MeToo.
Et niveau critique alors ?
Elles sont très, très relativement élogieuses, voyant majoritairement là de funestes décalques de la franchise originelle. Originalité aux abonnés absents, manque d'ambition, héroïne interchangeable... "On retrouve dans le spin-off de la saga, désormais portée par Ana de Armas, les grands principes et la jouissance burlesque", relève cependant Les Inrocks, qui voit en ce succédané spectaculaire un prolongement de l'iconisation de l'actrice en tant que figure de actionner quelques années après "sa séquence irrésistible dans Mourir peut attendre".
Las, le soufflé ne prend pas, et le mensuel déplore une mise au ban de ce qui constitue l'ADN de John Wick - séquences aux chorégraphies chaotiques, mélancolie en filigrane, hybridation, style affirmé - et un manque de singularité palpable... voyant surtout en l'éventualité d'une suite une fatalité : "y a-t-il encore à Hollywood des producteurs réticents à l’exploitation de tous les filons jusqu’à la lie ?"