



!["Je ne serais pas surpris si les streams des chansons de Diddy, tout comme ceux de R Kelly, qui a également été condamné pour violences sexuelles, restaient élevés. Il y a une sorte de dissonance cognitive chez les fans. Ces chansons s'ancrent tellement dans la vie des gens qu'il est très difficile de s'en débarrasser… [elles] font partie de leur ADN. Je pense donc que certaines personnes sont capables de fermer les yeux", dénonce ainsi à la BBC Thomas Hobbs, auteur et co-animateur du podcast hip-hop Exit the 36 Chambers.](https://static1.terrafemina.com/uploads/6d/11/e9/0e/9953fd3de34cb0f6-100x90-1.jpg)

« Il y a encore des gens qui défendent R Kelly »
Ca, c'est la catchline d'un très long focus, acerbe et méticuleux, de la BBC sur un état des lieux particulièrement déprimant : le peu de voix qui s'élèvent pour dénoncer les violences sexuelles dans le rap et le hip hop. Outre atlantique, surtout.
Enfin, peu de voix, tout est relatif. Quand elles se font entendre, on les écoute peu - légère subtilité. Et le jugement tout récent de P Diddy, dont le nombre de victimes présumées dépasse la centaine, pourrait largement empirer la très maigre emprise du mouvement #MeToo sur cette scène musicale en particulier. Omerta, crainte des représailles, déception intense face aux condamnations considérées comme largement insuffisantes des agresseurs les plus médiatisés...
Et les inquiétudes ne s'arrêtent pas là. Elles ont trait aux victimes de violences sexistes et sexuelles, ainsi que de viols, dans le rap, certes, mais aussi à des éléments qui touchent d'autres enjeux, largement incompris.
Alors que P Diddy n'a pas été reconnu coupable du principal fait présumé au coeur des nombreuses accusations le visant, l'exploitation sexuelle, de nombreuses tribunes s'alarment des répercussions de ce jugement sur le milieu du rap et du hip hop, concernant la dénonciation, et la condamnation, des violences sexuelles...
"Je ne serais pas surpris si les streams des chansons de Diddy, tout comme ceux de R Kelly, qui a également été condamné pour violences sexuelles, restaient élevés. Il y a une sorte de dissonance cognitive chez les fans. Ces chansons s'ancrent tellement dans la vie des gens qu'il est très difficile de s'en débarrasser… [elles] font partie de leur ADN. Je pense donc que certaines personnes sont capables de fermer les yeux", dénonce ainsi à la BBC Thomas Hobbs, auteur et co-animateur du podcast hip-hop Exit the 36 Chambers.
Alors que le rap est devenu le genre musical le plus puissant au monde, la popularité toujours plus médiatisée de ses artistes au sein des charts, outre atlantique comme en France, impliquerait donc une prise en compte beaucoup moins grande des voix des victimes auprès du public ?
Certes, mais cela ne s'arrête pas là...
La BBC voit également en l'invisibilisation des victimes, et en la prise en compte très critique de leurs paroles, une forme de racisme décomplexé, qui ne dit pas son nom. Cela s'envisagerait notamment à travers l'affaire P. Diddy justement, qui compte de nombreuses plaignantes afro-américaines.
"Il est plus difficile pour les femmes de couleur de dénoncer les abus dans l'industrie musicale. [Les femmes] ont été conditionnées à considérer l'abus de pouvoir et le harcèlement sexuel comme le prix à payer pour travailler dans ce secteur", observe toujours auprès du média britannique Sil Lai Abrams, autrice et militante contre les violences sexistes.
"Ce qui manque, c'est un environnement politique sur lequel les victimes peuvent compter pour changer les conditions matérielles qui ont permis à une personne comme Combs d'agir en toute impunité. Pour moi, la seule façon de croire qu'il y a eu une prise de conscience serait de voir des changements dans les lois, les politiques et les pratiques commerciales concrètes du secteur… [Des changements] qui ne soient pas basés sur la durée de l'inactivité de Diddy."
Racisme systémique, victim blaming - cette manière de faire culpabiliser les victimes au lieu de pointer du doigt les coupables, en jugeant leur tenue, leur attitude, leurs paroles - impunité des puissants ou absence de soutien des fans, sont autant de raisons selon la BBC qui expliquent que le mouvement #MeToo peine considérablement à croître.
En France, on observe d'identiques phénomènes concernant certaines stars du rap : remise en question continue des déclarations des victimes, caractère intouchable des stars en fonction de leur aura... Cependant, l'ancrage historique du hip hop dans la culture américaine rend d'autant plus fortes les minimisations des violences au sein de ce milieu.
Jusqu'à quand ?