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Faut-il cancel "Mary Poppins" ?

Mis à jour le 06 Mars 2024 - 17h58
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Publié le 05 Mars 2024 - 12h00
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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Faut-il des "sensitivity readers" pour les films ? A l'heure où les classiques sont passés au crible, "Mary Poppins" n'y échappe pas et se voit modifié pour des scènes très précises.
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Mary Poppins, pauvre victime de la cancel culture ? Cinéphiles et férus des productions Disney montent au créneau depuis l'application d'une légère modification auprès du chef d'oeuvres des studios aux grandes oreilles. Effectivement, le film de Robert Louis Stevenson (excellent homonyme) vient de voir sa classification remise en question. Il n'est plus vraiment considéré comme "tout public" au Royaume Uni !

Plus d'un demi siècle après sa sortie en salles, l'organisme chargé de la classification des oeuvres ciné et filmiques en général outre atlantique, autrement dit le British Board of Film Classification, a décidé d'attribuer à la diffusion de ce conte moderne la précision "surveillance parentale recommandée". Ce qui peut surprendre.

Pas de censure donc mais un qualificatif qui conseille chaudement aux parents d'accompagner leurs enfants lors de ce visionnage. Mais pourquoi une telle précision ? En vérité, elle a trait à la dimension de plus en plus controversée de ce long métrage qui mélange animation et prises de vue réelles...

"Une peur raciste dans une scène grotesque"

Les raisons de cet "avertissement" sont à chercher du côté de certaines scènes bien spécifiques dudit film. En l'occurrence, l'usage d'un terme, "Hottentot", employé par le personnage de l'amiral Boom afin de désigner ouvertement des ramoneurs... Aux visages couverts de suie. Des images qui soit dit en passant ont déjà pu être qualifiée de "blackface".

Or, rapportent nos confrères d'Allociné, le qualificatif péjoratif de "Hottentot" est également problématique : il s'agit d'une insulte héritée des colons blancs du 18e siècle, désignant en ces termes certains peuples d'Afrique du Sud, et plus précisément "l'ethnie africaine des Khoïkhoï, les colons européens se référant ainsi aux claquements de langue caractéristique des langues khoïsan, perçu comme des bégaiements".

Un langage raciste donc. "Dans le film, l'utilisation d'un langage discriminatoire n'est pas condamnée. Cela dépasse donc nos directives en matière de langage acceptable pour classer un film Universel (U) [et non en surveillance parentale souhaitée, ndlr]", développe le British Board of Film Classification.

Dans son communiqué détaillé, l'Institut met également l'accent sur la nécessité de prendre en compte les préoccupations des parents, concernant "la possibilité d'exposer leurs enfants à un langage ou comportement discriminatoire". De quoi bousculer la pérennité de ce spectacle familial placé 6e dans le classement des 25 plus grands films musicaux du cinéma américain, selon l'American Film Institute ? Peut être pas.

Cependant, les controverses affluent à l'encontre du film. Comme le rappelle BFM, en 2019 déjà, c'était le professeur d'anglais à l'université de l'Oregon Daniel Pollack-Pelzner qui épinglait le film. En cause, ces séquences où Julie Andrews et Dick van Dyke jouent le visage recouvert de suie. La réaction de l'amiral, citée plus haut, est pour le professeur "l'expression d'une peur raciste dans une scène grotesque".