Embrassée de force en direct pendant la Coupe du Monde, cette journaliste s'insurge

Publié le Mercredi 20 Juin 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Une journaliste se fait agresser par un supporter pendant la coupe du monde en Russie
Une journaliste se fait agresser par un supporter pendant la coupe du monde en Russie
Une journaliste spécialiste du football s'est faite embrasser de force par un homme pendant un direct de la Coupe du Monde en Russie. Une agression très loin d'être isolée.
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Être une journaliste sportive n'est pas de tout repos. Encore plus lorsque l'on travaille sur le football, un sport dominé par les hommes, à la fois sur le terrain et devant les caméras. La journaliste colombienne Julieth Gonzalez Theran en a fait les frais.

Le 14 juin, la jeune femme effectue un direct depuis la ville russe de Saransk pour la version espagnole de la chaîne allemande Deutsche Welle. Quelques secondes après le début de son direct, un homme lui saute dessus, lui attrape les deux épaules (et par la même occasion le sein) et l'embrasse sur la joue de force. La journaliste réussit tant bien que mal à poursuivre direct et l'agresseur disparaît.

Suite à ce incident, dans un post sur Instagram, la journaliste appelle à une meilleure considération de son travail et de celui de ses collègues : "RESPECT ! Nous ne méritons pas ce traitement. Nous sommes tout aussi précieuses et professionnelles. Je partage la joie du football, mais nous devons identifier les limites entre l'affection et le harcèlement."

"Beaucoup de gens pensent que la journaliste n'est là que pour apporter de la couleur à la photo. Mais nous voulons parler de systèmes et de stratégie", proteste Julieth Gonzalez Theran dans une interview pour le site de la Deutshe Welle.

En dépit de la violence de l'incident, la journaliste tempère : "Pour moi, c'est un incident isolé. Il y a toujours des fans qui vous complimentent et qui agissent de manière respectueuse. Celui-là est allé trop loin [...] Nous devons gérer ce genre de problèmes".

Pourtant, pour Bibiana Steinhaus, une arbitre de la Bundesligua (la Ligue 1 allemande), ce genre d'agression arrive trop souvent et elle en a l'habitude : "Je compatis parce que ce type d'attaques est arrivé plusieurs fois par le passé. Ne vous faites pas d'illusion, ce genre de choses misogynes arrive souvent", explique-t-elle, jugeant l'incident "inacceptable".


Des agressions de journalistes qui se répètent


Les agressions de femmes journalistes dans un contexte sportif ne sont pas rares et font souvent l'objet de moqueries. En France, en 2017, le tennisman Maxime Hamou avait agressé la journaliste Maly Thomas a Roland-Garros en plein direct. En avril, c'était la journaliste de Canal + Marina Lorenzo qui avait dû recadrer un supporter qui avait voulu la toucher.

En avril dernier encore, une journaliste mexicaine avait tenu tout son direct après un match de football alors qu'un groupe de fans sautait autour d'elle. Une fois la caméra éteinte, elle s'était retournée et avait frappé avec son micro un homme qui visiblement se frottait à elle dans son dos.

Pendant un tournoi de rugby à Hong Kong en avril, une journaliste avait été embrassée de force par deux hommes qui s'étaient visiblement concerté. Soutenue par sa chaîne, elle n'avait pas souhaité porter plainte. Elle avait déclaré à l'époque au site HK01 : "Je pense que c'est inacceptable, mais je ne pense pas que je puisse y faire grand chose".

Fin mars, un mouvement était même né au Brésil, avec le hashtag #deixaelatrabalhar (laissez-la faire son taf). Il faisait suite à une scène où la journaliste Bruna Dealtry s'était faite embrasser sur la bouche par un inconnu pendant un direct lors d'un match de football.

A CNN, elle avait expliqué : "Je me sens humiliée [...] si cela peut m'arriver à moi avec la camera qui tourne, imaginez ce que les autres femmes vivent. Je ne pouvais pas rester silencieuse". Dans un post sur Facebook, elle explique : "J'ai vécu en première ligne l'impuissance que tant de femmes ressentent dans le stade, dans le métro et même dans la rue. On m'a embrassée sur les lèvres, sans ma permission, pendant que je faisais mon travail. Je ne savais pas comment réagir et je ne comprenais pas comment quelqu'un pouvait penser qu'il avait le droit d'agir ainsi."

Par la suite, des journalistes sportives se sont réunies et ont lancé #deixaelatrabalhar accompagné d'une vidéo.
Souvent pris sur le ton de la "blague" potache, ces agressions symptomatiques de journalistes femmes ne doivent pas être prises à la légère. Bien au contraire, elles sont de nouveaux signaux d'alerte.