Face à l'importante mobilisation en France pour la libération de Jacqueline Sauvage, François Hollande a finalement tranché dimanche 31 janvier. Le président de la République a fait savoir par l'intermédiaire d'un communiqué officiel ce dimanche 31 janvier qu'il accordait à cette dernière "une remise gracieuse de sa peine d'emprisonnement de 2 ans et 4 mois ainsi que de l'ensemble de la période de sûreté qu'il lui reste à accomplir".
Le cas de Jacqueline Sauvage, condamnée à dix ans de prison par la cour d'assises au mois de décembre dernier pour avoir tué son mari, était devenu tout un symbole en raison du contexte particulier entourant cette affaire. L'accusée avait en effet subi pendant 47 ans les violences de son époux, Norbert Marot, qui avait également abusé sexuellement de leurs enfants. La veille de l'homicide, leurs fils s'était donné la mort.
Interviewée par Madame Figaro, Sylvie, l'une des filles de Jacqueline Sauvage - qui a témoigné en faveur de celle-ci au procès - racontait il y a peu : "Très jeunes, nous avons connu les sévices physiques violents, se souvient Sylvie. Nous étions forcés dans les travaux manuels de la maison, il fallait toujours nettoyer, faire tout pour que lui en fasse le moins possible. Au début, il y a les violences physiques qui sont devenues sexuelles à partir du moment où nous étions formées à l'adolescence".
Jacqueline Sauvage n'a jamais porté plainte, comme une grande majorité des victimes de violences conjugales, dont elle est devenue malgré elle le visage ; elles ne sont que 14% à alerter les autorités selon les chiffres de l'Insee rappelés par Le Monde. Mais un jour de septembre 2012, à bout de nerfs, elle se saisit d'un fusil de chasse et abat finalement son époux.
À travers cette affaire, c'est la notion de légitime défense qui est en cause. En effet beaucoup de voix s'élèvent pour que soit amendée la loi sur la légitime défense des femmes victimes de violences conjugales Nathalie Tomasini, l'avocate de Jacqueline Sauvage et Valérie Boyer, députée Les Républicains des Bouches-du-Rhône, envisagent de déposer bientôt à l'Assemblée nationale un projet de loi en ce sens. Le but ? Introduire la "légitime défense différée" pour des cas comme celui de Jacqueline Sauvage, pour lesquels la notion de concomitance ne s'applique pas, puisque cette denrière a pris quelques minutes pour aller chercher un fusil après avoir été agressée et a abattu son époux de trois balles dans le dos.
Dans les semaines qui ont suivi la décision de la cour d'assises du Loir-et-Cher de condamner Jacqueline Sauvage à dix ans de prison, ses filles avaient adressé un recours en grâce au président de la République et 434 000 internautes avaient signé une pétition en ligne allant dans ce sens. Les politiques de tous bords s'étaient mobilisés : plus de 80 parlementaires avaient signé la pétition.
Après avoir reçu la famille de Jacqueline Sauvage vendredi à l'Élysée, François Hollande a donc rendu sa décision ce dimanche. Comme l'écrit Pascale Robert-Diard, chroniqueuse judiciaire au Monde, "cette grâce strictement encadrée est un habile compromis. Elle ne déjuge pas au fond la décision rendue par la cour d'assises d'appel et ne cède pas à la réécriture a posteriori d'une affaire judiciaire par des pétitionnaires ou des commentateurs qui, contrairement à ceux qui ont eu la lourde charge de juger, ne connaissent que la version de la défense".
Désireux de ne pas remettre en cause la décision de la cour d'assises, François Hollande est simplement intervenu pour rendre "possible, dans les meilleurs délais, le retour de Mme Sauvage auprès de sa famille, dans le respect de l'autorité judiciaire".