Un club de Harvard interdit aux femmes pour risque d'"inconduite sexuelle"

Publié le Lundi 18 Avril 2016
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
À Harvard, les femmes persona non grata dans un club sélect pour risque de "mauvaise conduite sexuelle"
À Harvard, les femmes persona non grata dans un club sélect pour risque de "mauvaise conduite sexuelle"
À Harvard, le Porcellian Club restera masculin. La semaine dernière, ce très select club de l'Université s'est fendu d'un communiqué de presse expliquant que l'admission de femmes dans ses rangs pourrait augmenter les risques "d'inconduite sexuelle".
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Pour éviter que ses membres féminins ne soient les victimes d'assauts sexuels inconvenants et non consentis, le Porcellian Club de Harvard a trouvé une solution radicale : interdire son entrée aux femmes. Depuis 1791, ce club universitaire hyper select n'accueille en son sein que des étudiants – tous des hommes – triés sur le volet et généralement issus de familles riches et influentes de la côte Est américaine. Le président Theodore Roosevelt en a, par exemple, été l'un des illustres membres lors de ses années d'études à Harvard.

Pourtant, depuis 1984, le règlement de l'Université stipule que tous les clubs créés sur le campus devaient nécessairement être mixtes, rapporte The New York Times. Une obligation à laquelle ne s'est jamais pliée le Porcellian Club. Jusqu'ici resté discret sur ses activités et sur ses membres, le club est sorti de sa réserve la semaine dernière lorsqu'un de ses membres a expliqué dans une lettre adressée au journal étudiant Harvard Crimson que s'il se refusait à admettre des femmes, c'était pour éviter que ces dernières ne se fassent agresser sexuellement.

"Forcer les organisations du même sexe à accepter des membres du sexe opposé pourrait potentiellement augmenter, et non diminuer, le risque d'inconduite sexuelle", a déclaré Charles M. Storey, président du groupe des anciens du Porcellian Club dans l'édition datée du mardi 12 avril.

Un club contraire "aux aspirations de la société du XXIe siècle"

Alors que plusieurs universités américaines étaient il y a trois ans sous le coup d'une enquête fédérale pour des signalements de viol traités à la légère par les agents de sécurité des campus, la justification apportée par le porte-parole du Porcellian Club a suscité des réactions outrées.

"Au lieu de blâmer les femmes, vous pourriez mettre l'accent sur l'enseignement aux membres de votre club sur la non-agression sexuelle des gens", a déclaré sur Twitter la représentante démocrate du Massachussetts Katherine Clark.

Fermement opposé à la non-mixité des clubs de son université, le doyen de Harvard Rakesh Khurana a déclaré dans le Harvard Crimson qu'il était grand temps de faire place au changement. "L'université a depuis de nombreux mois clairement indiqué que les comportements et les attitudes adoptées par les organisations sociales non-mixtes du Harvard College sont en contradiction avec les aspirations de la société du XXIe siècle auxquelles nos étudiants contribuent", a affirmé le doyen. "Le collège a la responsabilité de protéger nos valeurs et le bien-être de nos élèves, même face à des défis à court terme perçus comme un changement de statu quo", a-t-il poursuivi.
Les clubs unisexes de l'université avaient jusqu'à ce vendredi 15 avril pour s'ouvrir aux membres du sexe opposé. Affirmant que le Porcellian Club faisait dans cette histoire office de "bouc émissaire", Charles M. Storey a indiqué que l'université n'avait d'autre choix que d'accepter la politique de son club. Et d'ajouter que, selon lui, le rapport March réalisé sur les agressions sexuelles à Harvard "confondait les problématiques d'agression sexuelle, d'égalité des sexes et d'exclusivité" des clubs.

Selon ce rapport réalisé par un groupe de travail de Harvard, ces clubs non-mixtes et indépendants participeraient à la prolifération des agressions sexuelles sur le campus. 47% des femmes interrogées ont ainsi déclaré avoir déjà été victimes de "contact sexuel non-consenti" lors des événements organisés par ces clubs. "Hormis les dortoirs, les événements organisés par ces clubs exclusifs sont les seuls endroits probables où les étudiants peuvent être victimes d'agressions sexuelles", indique le rapport.