Burn out : quand être "sous l'eau" devient la norme

Publié le Lundi 20 Mai 2013
Burn out : quand être "sous l'eau" devient la norme
Burn out : quand être "sous l'eau" devient la norme
Alors qu’une multitude de nouvelles expressions fleurissent chaque jour dans les open space, elles sont nombreuses à faire référence au surmenage, voire à ce fameux « burn out » dont on parle tant. Faut-il forcément être « sous l'eau », « charrette » ou « la tête dans le guidon » aujourd'hui pour paraître efficace ? Possible...
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L'expression qui a la préférence de beaucoup d’entre vous est « charrette », une expression totalement française, une fois n’est pas coutume. Il faut savoir qu’à l’origine, elle était utilisée par les élèves en architecture. Des charrettes venaient en effet transporter les loges depuis l’atelier jusqu’à la salle des rendus. Toujours en retard, comme il se doit dans le bâtiment, nos apprentis Le Corbusier livraient alors in extremis leurs rendus, d’où l’expression « être charrette ».

Aujourd’hui, du trader au développeur informatique, tout le monde est charrette… « mais pas que », pourrait-on dire…

« Sous l’eau » a également les faveurs du salarié 2013, véritablement englouti par la masse de travail sans cesse augmentée par l’obligation d’être toujours connecté, joignable et occupé à répondre au flot ininterrompu de mails. Ceux qui se veulent « modernes », « worldwide », dirait-on, choisissent bien souvent de donner un aspect international à leur surmenage avec les désormais classiques « c’est le rush », « surbooké », « overbooké » ou « full », puisqu’ils doivent toujours se « booster » ou se « challenger » afin de respecter de cruelles « deadlines » scrupuleusement notées sur leurs « to do » ou leurs « rétro-plannings »…

Ne pas être en surrégime, c'est être suspecté d'inefficacité...

Bref, autant le dire, le salarié 2.0 frôle quotidiennement le burn out et tient à le faire savoir à son entourage personnel mais surtout professionnel. Car aujourd’hui, ne pas être « sous l’eau », c’est ne pas être dans la norme. Alors que ladite norme devrait être de calibrer au plus près sa masse de travail avec le temps dont on dispose, l’entreprise impose de se mettre en surrégime. Si on ne l’est pas, on peut être suspecté d’être un tire-au-flanc, voire d’être inefficace, ce qui est, notons-le, paradoxal.

Résultat ? Les burn outs, ou « syndromes d’épuisement professionnels », se multiplient. Alors que les cloisons des bureaux sont tombées au profit de l’open space, les frontières du temps de travail semblent avoir été supprimées au passage. Il n’y a plus de limites, dès lors que votre patron peut vous envoyer un mail en dehors des heures dites « de bureau » pour vous interroger sur l’avancée d’un projet. Aujourd’hui, alors que beaucoup d’entre nous subissent ce fameux « rush » imposé par des entreprises qui veulent aller toujours plus vite, au détriment parfois de l’équilibre du salarié, une nouvelle tendance se profile toutefois, celle du « bien-être au travail », et avec elle son lot d’expressions « cocooning » tendant à imposer un cadre plus doux jusque dans le langage. Être « à l’aise, confortable » avec une proposition, faire un petit graph « qui va bien », ou une présentation « sexy », toutes ces expressions « font sens » à l’heure du lâcher-prise au boulot comme à la maison.

En bref, n’attendons plus la « deadline » fatidique pour sortir la tête de l’eau et prenons un grand bol d’air frais !

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