Irena Drezi, la nouvelle queen body positive de la mode

Publié le Mardi 25 Juin 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
La mannequin body positive Irena Drezi - Instagram -
La mannequin body positive Irena Drezi - Instagram -
Sur Instagram, elle fait sensation. Irena Drezi investit le mannequinat en prônant des valeurs intensément body positive. Et son histoire est aussi forte que les convictions qu'elle porte sur elle.
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Du haut de sa taille 18, Irena Drezi est la nouvelle égérie de la marque de mode en ligne PrettyLittleThing. Et, surtout, l'emblème d'un ras-le-bol général à l'encontre d'une industrie beaucoup trop normée et insuffisamment inclusive. Car les photographies qui mettent en scène la mannequin en bikini alignent les like autant qu'elles renversent la dictature de l'extrême minceur, encore trop prégnante au sein de la culture fashion.

"Une beauté réelle et inédite". "Une déesse grecque". C'est ainsi qu'est décrite la modèle de 22 ans. Inutile de chercher bien loin les raisons de cette adhésion, tant le discours que porte haut Irena Drezi est ouvertement body positive. Ses posts Insta sont d'ailleurs régulièrement griffés d'un même hashtag :#bodyposi. Et les voix discordantes passent vite à la trappe : "Irena Drezi porte du PrettyLittleThing et ignore les haters", s'amuse Glamour. Il suffit de lire les commentaires qui abondent sous ce fabuleux portrait de la jeune femme en bikini noir. "Les corps de mannequins sont trop souvent irréalistes. Au moins, là, je sais comment le vêtement va épouser mes courbes". "Les gens sont plus beaux quand ils ont confiance en leur corps". "Ce n'est pas son corps qui est le plus joli ici... c'est sa confiance".

"C'était effrayant"

"Tout cela me donne vraiment l'impression d'aider ces femmes, car je sais exactement ce qu'elles vivent", dit-elle au Sun. Car Irena Drezi connaît bien l'importance de l'attention que l'on porte à autrui. Interrogée par le journal britannique, elle explique avoir grandi dans un camp de réfugiés. A l'âge de quatre ans, elle quitte la République tchèque pour l'Irlande. Nous sommes en 2000. De cette fuite, elle n'a rien oublié : les heures d'interrogatoire face aux agents de l'émigration à l'aéroport de Dublin, l'inquiétude de ses parents, craignant de devoir repartir de nouveau, mais aussi celle des autres familles, de nationalités différentes, patientant pour connaître leur sort. Certaines seront renvoyées. Mais pas la sienne.

Dans le centre de réfugiés de Dublin où elle et ses parents finissent par atterrir (elle y restera deux ans entiers), la jeune fille ne voit que des caravanes et des clôtures. "Cela ressemblait à un camp de concentration, c'était effrayant", narre-t-elle à Goss.ie, à l'occasion de la Journée Mondiale des Réfugiés. "Nous avons toujours mangé, eu un toit, nous n'avions pas à nous plaindre", nuance-t-elle au Sun.

Ses parents l'inscrivent finalement à l'école primaire qui se situe à proximité du camp. Très vite, elle apprend l'anglais. Mais celle qui n'est encore qu'une enfant se confronte à un nouvel obstacle : les troubles de l'alimentation sévères dont elle souffre.

"Ma confiance en mon corps était inexistante"

Qu'importe : Irena Drezi va se battre pour pouvoir étudier les affaires et le droit, tout comme elle va le faire pour entamer une carrière de mannequin et revendiquer sa silhouette. Mais cela prend du temps. "Ma confiance en mon corps était inexistante. Je ne voulais pas sortir de chez moi. Je portais tout le temps des vêtements amples pour cacher mes formes", se remémore-t-elle.

Aujourd'hui, ces complexes sont devenus une force. Sous l'un de ses posts Instagram, elle explique être atteinte de kératose polaire depuis son enfance, une maladie génétique qui a rendu la peau de ses bras plus granuleuse. Longtemps, elle a eu honte de ses cicatrices et de sa cellulite, apparentes sur ses hanches, ses jambes, ses fesses. Depuis des années, elle souffre également du trouble de dysmorphie corporelle, une préoccupation disproportionnée vouée aux défauts physiques - parfois fantasmés.

"J'aurais pu facilement effacer tout cela avec une application, mais je ne l'ai pas fait. C'est réel. Trouvez la force d'accepter tous vos défauts et dites vous que c'est normal de ne pas être parfait, car "parfait" n'existe pas", scande-t-elle à celles qui la lisent.

Irena Drezi parle au nom de toutes ces femmes qui, à travers le monde, souffrent de ce que leur miroir leur projette chaque matin. Jadis habituée aux jobs alimentaires, elle affirme désormais sa singularité à ses milliers de followers et son corps "imparfait" éveille les consciences. Car Irena Drezi, ce n'est pas qu'un parcours, c'est une idée, forcément politique : celle d'un modeling où les vergetures sont apparentes, où les filtres n'affectent pas les aspérités de l'épiderme. Une mode inclusive qui ne se limite pas aux plastiques pour papier glacé. Surtout, c'est aussi une lutte intime et une histoire de survie. Forcément inspirante.