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C'est quoi cette nouvelle tendance controversée qui célèbre les "femmes fortes et ténébreuses" sur TikTok ?

Publié le Jeudi 28 Septembre 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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Une toute nouvelle tendance TikTok promeut sur le réseau favori des jeunes générations le culte de la "femme forte" : la working girl dont personne ne peut barrer la route. Sur le papier, c'est empouvoirant. Mais le phénomène est très controversé...
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Ce sont trois mots magiques qui font fureur sur TikTok : Dark Feminine Energy. Un intitulé qui semble faire écho à la fameuse "Big Dick Energy" si trendy en 2018, cet intitulé douteux employé à l'époque pour désigner la confiance en soi, le charisme, l'assurance, des hommes comme des femmes... Et ca tombe bien, la Dark Feminine Energy suggère le même mood.

Hashtag viral, source de 2 milliards de vues sur TikTok, cette nouvelle tendance très développement personnel donne le la aux femmes indépendantes, sûres d'elles, aux "femmes fortes" qui mettent de côté toute émotion. C'est un peu le stéréotype de la "girlboss", de la patronne : look affirmé (le plus souvent sombre, c'est à dire "dark"), posture solide et indifférence feinte font partie de l'attirail de la parfaite égérie "Dark Feminine". Empouvoirant ?

En tout cas, la ferveur est d'autant plus folle qu'elle éclot d'un culte pour certaines personnalités bien "dark", comme Lana Del Rey (mélancolie forever), Megan Fox (et son côté "féminin sacré destroy") ou encore, oui oui, Rihanna - le côté "badass". A lire ce descriptif, on a l'impression de se retrouver face à Miranda Priestly dans Le diable s'habille en Prada... Les raisons d'un succès sur la plateforme privilégiée des jeunes générations ?

Féminisme choc ou toc ?

Dark feminine energy : outre-atlantique, les pureplayers estampillés Conseils de vie et Développement personnel n'ont que ces mots là à la bouche. Il s'agit "d'embrasser son énergie sombre" sans craindre d'être glaciale.

Sur le papier, ce mode de vie semble rétorquer au sexisme ordinaire : à l'instar des working girls, l'adepte de la "DFE" ne s'oblige pas à sourire (injonction des machos), est certaine de ses compétences personnelles, n'a que faire du paternalisme de ses collègues masculins. On l'imagine en héroïne goth de Dangereuse Alliance, le teen movie culte de notre jeunesse.

C'est libérateur, dans un système pétri de discriminations, professionnelles notamment - les inégalités salariales par exemple. D'ailleurs, de plus en plus de femmes réagissent à des inégalités... En démissionnant.

Preuve de la pertinence de cette trend.

Mais cette "énergie" est-elle si féministe que cela ?

Elle apparaît en vérité comme très controversée. Par exemple, le fait que le rapport aux hommes, et à leur séduction, soit centrale au sein de cette tendance (qui incite grosso modo à ignorer les hommes pour mieux les charmer), et que la maîtrise des émotions soit réfléchie à cet effet, agace forcément. Au HuffPost, la chercheuse Deborah Gay analyse qui plus est l'indifférence feinte comme une réponse à un gros cliché : l'hystérie féminine.

L'experte explique, et tacle : "Dans les années 50 tous ces conseils avaient pour but de devenir une bonne mère au foyer, dans les années 90, on les trouvait dans des magazines comme Jeune et Jolie pour séduire les hommes, aujourd'hui, ils sont sur TikTok. Ne pas extérioriser ses émotions pour ne pas être 'hystérique', plaire à beaucoup d'hommes mais ne pas s'adonner à une sexualité débridée sinon on est une 'fille facile'..."

Ca fait mal. Un tendance réac donc ? Pas impossible, d'autant plus, relate 20 Minutes, que cette tendance met beaucoup l'accent sur les prescriptions Beauté et les injonctions physiques : "paraître négligée ou naturelle est à bannir, il faut prendre soin de soi physiquement : maquillage, soins de la peau, style vestimentaire". Même le culte du régime est étroitement lié à toutes ces prescriptions finalement loin d'être émancipatrices.

Une tendance qui cacherait tout un business, précise le Huff : coaching par des "expertes", formations évidemment payantes, ebooks dédiés... Dans le jargon, c'est ce que l'on appelle le "feminism washing" : s'emparer d'enjeux féministes dans un but purement mercantile et opportuniste. On ne connaît que trop.

Des grosses réticences bien légitimes qui ne font cependant pas reculer ses plus ferventes adeptes. Ainsi le site lifestyle Bustle perçoit-il cette énergie comme une véritable "obsession" du net. Au menu de cet état d'esprit, confiance, makeup crépusculaire, sexy attitude et puissance. Une équation choc et chic qui perdure malgré les critiques.