Le Soudan interdit et criminalise enfin l'excision

Publié le Lundi 04 Mai 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Le Soudan interdit enfin l'excision
Le Soudan interdit enfin l'excision
Le 22 avril, le Soudan a adopté l'amendement d'une loi qualifiant désormais les mutilations génitales féminines de crime. Ses praticien·ne·s, même si l'acte s'effectue dans un établissement médical, encourent 3 ans de prison ainsi qu'une amende.
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Au Soudan, environ neuf femmes sur dix, âgées de 14 à 49 ans, ont subi une mutilation sexuelle. On leur enlève les lèvres internes et externes, et généralement le clitoris, souvent à l'aide d'une vulgaire lame de rasoir, dans des conditions sanitaires déplorables. La raison : une croyance culturelle très répandue selon laquelle cette pratique est essentielle pour la réputation des filles et leurs perspectives de mariage, précise la BBC.

Pour Faiza Mohamed, de l'association Equality Now, il ne s'agit de rien d'autre qu'une "pratique de torture". Au-delà de la violence de l'acte en lui-même, aussi bien physique que psychologique, l'excision peut entraîner des infections urinaires, des infections utérines, des infections rénales, des kystes, des problèmes de reproduction et des douleurs lors des rapports sexuels.

Le 22 avril cependant, un événement majeur a signé la condamnation officielle de ce crime sexuel, en le considérant désormais comme tel. Le Conseil souverain dominé par les militaires et par le Conseil des ministres contrôlé par les civils a amendé l'article 141 du Code pénal, afin de criminaliser l'excision, le rendant punissable de 3 ans d'emprisonnement et d'une amende.

La militante Faiza Mohamed a salué l'instauration longtemps attendue de ces "mesures punitives pour protéger les femmes", rapporte RFI, tout comme l'Unicef, qui s'est réjouit du début d'une "nouvelle ère". Salma Ismael, porte-parole à Khartoum du Fonds mondial de l'ONU pour l'enfance, a quant à elle célébré le fait que les mères contre cette "pratique barbare" sur leur fille puissent désormais "dire non".

La crainte d'une pratique clandestine

"Ce jour semble être un jour mémorable pour les femmes soudanaises, même si beaucoup le traitent avec prudence par crainte que les mutilations sexuelles féminines ne soient tenues dans la clandestinité", nuance toutefois Insaf Abbas, journaliste britannique d'origine soudanaise pour BBC News. "Mais il m'est difficile de dire ce que ressentent mes amis proches et ma famille à Khartoum. Bien que je sache à quel point cette pratique est répandue au Soudan, elle est aussi très taboue".

Selon un rapport de l'Unicef réalisé dans 29 pays d'Afrique et du Moyen-Orient, les MGF sont encore très courantes, et ce malgré une législation ou une forme de décret instaurée contre leur pratique dans au moins 24 des ces Etats. En Egypte par exemple, si l'excision est illégale depuis 2008, l'ONU estime cependant le nombre de fillettes mutilées à une sur sept. Au Soudan, l'ancien régime d'Omar el-Béchir avait dû renoncer à l'interdiction sous la pression des religieux.

"Selon le Haut Commissariat des Nations unies aux réfugiés, plus de 20 000 femmes, fillettes et adolescentes demandent l'asile au sein de l'Union européenne chaque année", indiquait à Franceinfo Léa N'Guessan, avocate au barreau de Paris, le 6 février dernier dans le cadre de la célébration de la Journée internationale contre les mutilations génitales. En France, tous les ans, ce sont 9000 enfants qui sont placées l'Office français de protection des réfugiés et des apatrides (Ofpra).