Le findomming, ce fétichisme des hommes qui paient pour qu'on vide leur compte en banque

Publié le Vendredi 18 Octobre 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Qu'est-ce que le findomming ?
Qu'est-ce que le findomming ?
Le findomming, qu'est-ce que c'est ? Une curieuse pratique de plus en plus populaire, conciliant compte en banque et fétichisme sexuel. Ou quand le jeu de domination et de soumission prend la forme d'une transaction financière.
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Éprouver du plaisir à voir votre compte en banque être progressivement liquidé. Et oui, ce fétichisme sexuel est très particulier, et pourtant, il existe. Plus encore, il perdure et s'étend sur Twitter. On appelle cela le "findomming". Et le magazine Stylist a enquêté sur l'envers de cette pratique dangereuse mais néanmoins populaire, en tendant le micro à ses adeptes.

Le "findomming" (ou findom) est une "domination financière". Il implique donc un rapport consenti entre une dominatrice, aussi appelée "déesse" dans ce cas précis, et ses clients, surnommés "les cochons payeurs". Rien de physique néanmoins. Pas d'acte sexuel, juste des transactions financières. Parfois, de grosses sommes, parfois, de simples achats sur Amazon. C'est ainsi que les "soumis" éprouvent de la satisfaction : en vidant leur bourse.

Un jeu de pouvoir(s)

Le "findomming", à travers les écrans.
Le "findomming", à travers les écrans.

Le "findomming" est pratiqué en Angleterre. Parmi celles qui "dominent", volontiers à temps plein, certaines gagnent jusqu'à 2000 euros par semaine. Le sel de ce "jeu", c'est l'humiliation - toujours désirée. Les "pigs" qui vident leur comptes en banque sont méprisés par leurs "reines", qualifiés de "perdants" et de "fidèles partisans". Gemma, jeune dominatrice de Manchester interrogée par Stylist, dit à ce titre que c'est "un taf qui consiste à dire aux gens qu'ils ne valent rien". Sur Twitter abondent les requêtes, mentions de comptes Paypal et autres "wishlist" (listes d'achats souhaités) des anonymes comme elle, réunies autour du hashtag #findom. Un fétichisme aussi lucratif que connecté, donc. Mais les chiffres ne font pas tout, loin de là. Car le coeur du "findomming", c'est avant tout le pouvoir.

"Bien sûr, il est naturel d'associer le travail sexuel avec, eh bien, le sexe, mais ce fétichisme est une question de gratification sexuelle alimentée par le pouvoir", explique ainsi la dominatrice Urska au magazine. Contrairement aux idées reçues, la gratification sexuelle ne se limite pas au physique et à la nudité. Elle implique quelque chose de plus complexe. Les "reines" n'envoient aucune photo d'elles dénudées. D'ailleurs, leurs clients n'en ressentent pas le besoin.

A travers cette notion de pouvoir s'immisce l'idée d'emprise psychologique. C'est encore ce qu'explique la jeune Gemma à Stylist : "Le findomming n'est qu'un autre type de jeu sexuel psychologique. Quelle plus grande perte de contrôle y a t-il que de me céder votre argent pour rien ?". Une excitation plus cérébrale que physique donc. Et pas si absurde.

Une pratique dangereuse

Vider son compte en banque.
Vider son compte en banque.

D'aucuns n'ont effectivement aucun mal à expliquer le "pourquoi" de ce jeu de domination et de soumission. C'est le cas du Dr Lori Bisbey, psychologue du sexe à Londres. "Toutes les relations répondent à une dynamique de pouvoir. Les personnes qui se livrent à ce jeu le démontrent simplement. Pourquoi font-ils cela ? Parce que le pouvoir est enivrant", affirme l'experte. Et la perte de contrôle qui s'ensuit, d'autant plus.

Les "cochons" qui sortent leur portefeuille ne sont pas les derniers à l'avouer. L'un d'eux, un chef d'entreprise quinquagénaire répondant au pseudo de "Sub Zero", raconte à Stylist que l'excitation "ne provient pas de [son] pantalon, mais de [son] cerveau". A le lire, en répondant par exemple aux "listes de souhaits" des dominatrices, il satisfait son "désir fondamental de plaire". Jason, "soumis" et employé dans le commerce de 21 ans, compare même cela au fait d'offrir un cadeau "à quelqu'un que vous aimez". Un acte super gratifiant, donc. Mais pour une pratique dangereuse.

Car si un grand nombre des "reines" sont de jeunes femmes cherchant à financer leurs études ou à rembourser leurs emprunts, au sein d'un climat d'austérité économique éprouvant, le "findomming" est pourtant loin d'être un "bon plan". C'est ce qu'explique Laura, étudiante britannique. Depuis ses débuts en tant que dominatrice, elle a déjà été menacée de viol, de meurtre et d'enlèvement. Il faut croire que les "dominés" ne le sont pas toujours à cent pour cent. Et les mauvaises rencontres, loin d'être rares. "J'ai aussi fait l'objet d'un chantage émotionnel. Il faut donc être prudente", dit-elle à Stylist. Une dangerosité inhérente au travail du sexe en général - car le "findomming" est considéré comme tel. "Chacun mérite un environnement de taf sécurisé", rappelle la jeune femme.

De la sécurité, ce fétichisme en manque plutôt. Bien que pratiqué en "sous-marin" (sous la forme d'échanges numériques, par messages, vidéos et transferts d'argent), il implique, de par sa popularité, des rivalités bien tangibles au sein du "marché". Les "reines" sont loin d'être tranquilles. Elles consacrent les journées à "gérer les budgets et les besoins des clients" et se démènent pour éviter toute situation de précarité.

Sans oublier ce rapport de confiance et de respect qu'il faut nourrir une semaine après l'autre, indispensable pour garantir les transactions financières. Du côté des "cochons" également, le findomming n'est pas sans risque. Il peut évidemment conduire à un endettement considérable. La conséquence fâcheuse d'une addiction certaine. Selon le quinquagénaire Sub Zero, ceux qui sombrent dans les dettes "ont perdu le contrôle de leur fétiche : la frontière entre le fantasme et la réalité est brouillée". Un danger qu'il faut bien garder à l'esprit.

Jeu de pouvoir polémique, le "findomming" interroge à la fois les limites (physiques et morales) du "fétichisme" et la notion de sexualité. Et c'est - entre autres - pour cela que cette pratique fascine autant qu'elle effraie.