Le ténor Placido Domingo est accusé de harcèlement sexuel

Publié le Mercredi 14 Août 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Placido Domingo fait l'objet d'accusations édifiantes.
Placido Domingo fait l'objet d'accusations édifiantes.
Une enquête interne vient de s'ouvrir : le chanteur d'opéra Placido Domingo est accusé de harcèlement sexuel par neuf femmes, témoignages édifiants à l'appui.
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C'est un nouveau scandale que vient de mettre en lumière l'Associated Press. Ce mardi 13 août, le média a révélé les témoignages de huit chanteuses et d'une danseuse. Ces femmes anonymes relatent le comportement abusif de Placido Domingo, véritable légende de l'opéra - il dirige celui de Los Angeles. En l'état, des situations de harcèlement sexuel étendues sur plus de trente ans - de 1980 à nos jours. Avances (refusées), propositions de dîner en tête à tête, intrusions dans les loges, contacts physiques hors-propos ou rendez-vous "privé" dans sa chambre d'hôtel, les accusations ne manquent pas.

Et les détails de l'enquête d'AP ne s'arrêtent pas là. Le septuagénaire aurait imposé des baisers à trois de ces victimes. Les gestes abusifs, comme une main posée sur le genou durant un déjeuner ou bien directement glissée sous une robe, n'auraient pas été rares, narrent les témoins. "C'était du harcèlement sexuel [...] il voulait me mettre dans son lit [...] [et] il a la réputation de faire ça", fustige la mezzo-soprano Patricia Wulf à l'encontre du ténor espagnol, à propos d'une affaire datant de 1998.

"Un secret très connu"

C'est d'ailleurs là l'un des faits majeurs de cette enquête, comme l'appuie le Huffington Post : le comportement de l'homme aux quatre-mille concerts serait un secret de Polichinelle au sein du milieu. Un "secret très connu", assure Patricia Wulf. "De nombreuses accusatrices disent avoir été plusieurs fois mises en garde par des collègues, leur déconseillant de rester seules avec lui, même dans un ascenseur", et même de refuser l'alcool en cas de déjeuner, découvre-t-on avec l'enquête d'AP. Des propositions comme celles-ci, nous dit-on, Domingo les recouvrait d'un écrin professionnel : un dîner était selon lui l'occasion d'échanger en compagnie d'aspirantes danseuses et chanteuses au sujet "de leur carrière" afin de les conseiller, et voilà tout.

"Je pensais que toutes mes interactions et relations avaient toujours été consensuelles. Les gens qui me connaissent savent que je ne suis pas quelqu'un qui va intentionnellement faire du mal, offenser, ou mettre mal à l'aise quelqu'un", a rétorqué l'artiste au sein d'un communiqué envoyé à l'Associated Press. Au fil des lignes, le chef d'orchestre qualifie ces accusations de "dérangeantes" et "d'inexactes". "Les standards par lesquels nous sommes - et devrions - être jugés aujourd'hui sont vraiment différents de ce qui avait cours par le passé", suppose-t-il également. Or c'est précisément cette négation du réel que cingle l'une des victimes - une soprano - en mettant l'accent sur une chose : "il a une âme quand il chante mais cette âme se retrouve au milieu de ses abus de pouvoir".

Car nombreuses étaient jusqu'alors les victimes à ne pas oser s'exprimer, de peur de mettre en péril leur carrière en se confrontant à celui que l'on surnomme "le roi de l'opéra" ("il est presque comme Dieu", déplore à ce titre Patricia Wulf). En libérant la parole, la soprano anonyme souhaite que Placido Domingo "ait l'opportunité de connaître exactement le type de dommages - émotionnels, psychologiques, professionnels et autres - dont il est responsable". En attendant la suite des affaires, les prestations de l'artiste initialement prévues en septembre et octobre prochains viennent d'être annulées par l'Opéra de San Francisco et l'Orchestre de Philadelphie.