Une retraite de yoga jugée "indécente" : les femmes se rebellent au Koweït

Publié le Mercredi 09 Février 2022
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Une retraite de yoga jugée "indécente" : les femmes se rebellent au Koweït
Une retraite de yoga jugée "indécente" : les femmes se rebellent au Koweït
Des dizaines de femmes sont descendues dans la rue au Koweït pour protester contre les médias et les autorités qui jugeaient une retraite de yoga "indécente". N'ayant pas obtenu de permis, son organisatrice avait dû la suspendre.
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Tout est parti d'un commentaire et d'une censure qui ne dit pas son nom. Jugée "indécente" et dénoncée par le parlementaire conservateur Hamdan al-Azmi qui la qualifiait d'"affaire grave" contraire à la "société conservatrice" de ce pays musulman, la retraite de yoga n'avait pas obtenu le "permis" des autorités pour avoir lieu. Son organisatrice, Eman al-Husseinan, avait donc annoncé jeudi 3 février que l'événement serait suspendu.

Seulement, l'incident dépasse la discipline. Si les Koweïtiennes indignées ont manifesté dans la foulée, ce n'est pas uniquement pour réclamer leur droit de participer à ce rassemblement de yoga, mais pour se battre pour leur liberté, et contre la misogynie évidente d'hommes politiques rétrogrades.

"Il ne s'agit pas de sport, même si c'est important. Le point essentiel est que si nous renonçons, nous allons assister à bien d'autres régressions", s'inquiète auprès de l'AFP une professeure d'université qui a assisté au sit-in de protestation devant le Parlement. Sur place, les slogans sont révélateurs des enjeux : "Non à l'exploitation de la question des femmes", "pas de régime des fatwas" ou encore "non à la tutelle sur les femmes", peut-on lire.

Un véritable "symbole"

La militante des droits humains Hadeel Buqrais l'affirme : dans le pays, le yoga est devenu un "symbole" de lutte et d'émancipation. En cause notamment, "l'intrusion de ce député dans les libertés des personnes", qui exigeait du ministre de l'Intérieur qu'il mette "rapidement un terme à ces pratiques étrangères" au Koweït. Eman al-Husseinan dénonce quant à elle dans une vidéo publiée en ligne des "attaques violentes de la part des médias" qui présentait le rendez-vous entre femme comme "indécent".

"Ce que nous voulons faire comprendre au gouvernement et au Parlement, c'est que nous n'acceptons pas l'exploitation de la question des femmes et de leurs libertés à des fins politiques", développe Hadeel Bugrais à l'agence de presse. "Nous exigeons le respect de nos droits et la justice pour les revendications des femmes, au lieu de la marginalisation et de l'exclusion", a martelé de son côté l'activiste féministe Louloua al-Moulla.