Google discrimine-t-il les femmes enceintes ?

Publié le Mercredi 07 Août 2019
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Google discrimine-t-il les femmes enceintes ?
Google discrimine-t-il les femmes enceintes ?
Dès qu'il est question de violences - sexistes et autres - force est de constater que la Silicon Valley répond toujours présente. Dernier bad buzz ? Le mémo d'une employée qui accuse Google de discriminer les femmes enceintes.
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"Pourquoi je ne reviendrai pas chez Google après mon congé maternité". Tel est le nom du mémo rédigé par une employée de la fameuse entreprise américaine. On ne peut guère être plus clair. Qu'y raconte-t-elle ? Les discriminations dont elle a fait l'objet au sein de la multinationale durant sa grossesse. C'est Motherboard qui nous relate tout.

Cela a commencé par quelques remarques problématiques émises par son responsable. Puis la situation s'est envenimée. Les menaces de sanctions n'ont pas tardé, suite à ses plaintes déposées auprès du service des ressources humaines - plaintes pourtant anonymes - puis vinrent les messages inappropriés de la part de son boss, une forme de pression constante, et même des humiliations publiques. "Son attitude a changé, et drastiquement", déplore-t-elle dans son mémo. En parallèle de cet harcèlement quotidien, elle a pu constater la mainmise de son manager sur des projets (retirés), sa mutation dans un autre service, un refus de la voir diriger des équipes jusqu'à son accouchement futur. Au sein des locaux et au fil des mails, dix mille employé·e·s auraient pris connaissance de ce document.

"Ce n'est pas surprenant"

"Pourquoi je ne reviendrais pas chez Google"
"Pourquoi je ne reviendrais pas chez Google"

Tout cela pour quoi ? Pour lui dire en bout de course que son poste ne lui sera pas garanti à son retour de congé mat'. Qu'elle devra candidater ailleurs. Et ce en dépit de ses compétences de manager. Une légitimé ignorée jusqu'au bout : lorsqu'elle est partie réclamer son départ, une supérieure lui a fait la morale en signalant que, de son côté, elle avait pris congé "la veille de son accouchement par césarienne". Mais après toute cette indignation, reste l'impunité. "Lorsque j'ai contacté les ressources humaines pour demander de l'aide afin de gérer la situation, j'ai appris que d'autres personnes avaient également signalé le comportement inapproprié de mon responsable et que des informations avaient déjà été communiquées au service RH", écrit-elle. Sans grands résultats apparemment...

"C'est alarmant. Et malheureusement, pas surprenant", a témoigné de son côté un ancien de Google chez Motherboard. Celui qui a déserté le navire voit là "une culture des représailles" propre à l'entreprise, au sein de laquelle il ne serait pas rare de voir fuiter les plaintes jusqu'aux grands pontes. Comme le signale le site d'informations, de nombreux mèmes circulent désormais en interne. Ils concernent tous le service de ressources humaines. L'un d'entre eux suggère que les employé·e·s ont moins confiance en les responsables RH "qu'en les stations-service à sushis". Au-delà de ce rire jaune s'immisce le constat d'une violence qui se perpétue au nom de la culture d'entreprise. Ainsi a-t-on accablé l'autrice du mémo en lui répétant que son congé maternité risquait de "stresser l'équipe" et de "faire couler le bateau".

On ne compte plus les facepalms estampillées Google. "C'est biologique, les femmes ne sont pas faites pour l'informatique", affirmait en août 2017 le jeune "Googler" (employé de Google) et ingénieur James Damore - avant d'être renvoyé. En novembre 2018, ils étaient des milliers (de Googlers) à manifester pour dénoncer les abus sexistes de l'entreprise. Et puis, il y a encore toutes ces études à charge, visant les suggestions sexistes de Google Images ou la teneur tout aussi problématique de Google Traduction et de son intelligence artificielle. Un long dossier auquel s'ajoutent désormais les deux-mille trois cent mots de cette employée anonyme.