Porno, sex-ed, féminisme : 7 films qui montrent le sexe autrement selon Olympe de G

Publié le Vendredi 26 Juin 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
"Pornocratie", le do-cul sans concessions d'Ovidie.
"Pornocratie", le do-cul sans concessions d'Ovidie.
Orgasme, tutos pornos et révolutions sexuelles... La pornographe féministe Olympe de G nous recommande 7 films indispensables pour penser (et vivre) le sexe autrement.
À lire aussi

Une dernière fois. C'est un titre qui sonne comme un chant du cygne, or, le film qui l'arbore est plein de vie. Car avec son premier long-métrage, la cinéaste féministe Olympe de G délivre une oeuvre porno (mais pas que) pleine de vibes stimulantes. Et ce, dès le synopsis. Rediffusé le 26 juin 2020 sur Canal Plus, Une dernière fois nous dévoilait les expériences torrides et mélancoliques de Salomé, 69 ans. Avant de disparaître, la sexagénaire souhaiterait connaître son ultime orgasme.

En résulte un X anti-âgiste et audacieux, sexy et inclusif. Bref, absolument moderne. Et pour le porter, la réalisatrice a choisi une icône : Brigitte Lahaie, de retour après vingt-cinq ans d'absence au sein du cinéma pour adultes. D'un côté, les ambitions de la féministe trentenaire, et de l'autre, la muse du porno des années 70. Une addition atypique. Il faut dire qu'Olympe de G, à qui l'on doit également des podcasts érotiques, aime à défendre une vision éclectique des sexualités - et de leurs représentations, surtout.

Et elle nous le démontre en dévoilant à Terrafemina sa filmothèque "sexe". Une sélection de 7 films pour dire autrement "la chose", entre virée dans les coulisses de l'industrie pornographique et sexualité des seniors, légendes du X engagé et cinéma d'auteur sulfureux. Un classement forcément transgressif.

"7ème ciel" d'Andreas Dresen

"7ème ciel", une illustration de la sexualité sénior sans tabou.
"7ème ciel", une illustration de la sexualité sénior sans tabou.

"Pour la façon dont le désir est incarné dans des corps âgés. Une femme de 67 ans, en couple depuis 30 ans avec le même homme, est attirée de tout son être par un autre homme de bientôt 80 ans. C'est un film humble, cru, et très fort, sur comment la passion peut enflammer les corps et les esprits à tout âge.

J'ai aimé voir le désir s'incarner dans des corps âgés, que la caméra filme sans fausse pudeur. Le réalisme des images nous dit : il n'y a rien à cacher, parce que ce qu'il se passe est beau ! Mais sur les épaules de cette femme pèse l'immense poids des convenances. Que ce soit son mari ou sa fille, elle est la figure maternante, on la tient responsable du bien-être de ses proches...

En se libérant, en décidant de vivre avec un grand V, elle est accusée de tout détruire autour d'elle. Tragiquement, ce film nous rappelle qu'une femme qui vit son désir sera toujours rappelée à son 'égoïsme'."

"Female pleasure" de Barbara Miller

Un documentaire nécessaire sur la liberté des femmes.
Un documentaire nécessaire sur la liberté des femmes.

"Que s'est-il passé, il y a des millénaires, pour que les hommes s'attaquent aux corps des femmes ? Pourquoi ce besoin universel de contrôler la sexualité féminine ? Female Pleasure est un documentaire qui nous emmène à la rencontre de 5 activistes qui se battent pour libérer les corps et la sexualité des femmes de siècles d'oppression patriarcale.

On y rencontre Leyla Hussein, excisée à l'âge de 7 ans, qui mène un combat déterminé pour l'intégrité physique et l'autodétermination sexuelle des femmes musulmanes, que ce soit en Afrique ou en Europe. Sa détermination, son charisme et ses vulves géantes en pâte à modeler marquent l'esprit au fer rouge.

Mais aussi l'artiste japonaise Rokudenashiko, qui a créé, dans un pays qui célèbre annuellement les phallus en grande pompe, un moulage de sa vulve en 3D. Arrêtée et accusée d'obscénité, elle a risqué l'emprisonnement et a dû s'exiler. Elle se bat sans relâche pour que le corps féminin et ses représentations soient dédiabolisés."

"Derrière la porte verte" de Jim et Artie Mitchell

Un classique de la pornographie seventies.
Un classique de la pornographie seventies.

"Il faut replacer ce film dans son contexte : les années 70. À bien des égards, il ne reflète pas ce qu'on attendrait d'un porno progressiste aujourd'hui. Déjà, ça commence mal, l'héroïne est kidnappée, et amenée dans une sorte de fête païenne d'où elle n'a aucun moyen de s'échapper. Bingo, culture du viol.

C'était apparemment à l'époque la seule façon dont des réalisateurs (les Mitchell brothers) pouvaient imaginer inciter une jeune femme à se 'laisser totalement aller'. Très vite, seconde crispation : le film fétichise le corps noir de l'acteur principal, Johnnie Keyes : affublé d'un lourd collier tribal, le performer porte un Long John découpé à l'entrejambe qui met en valeur son pénis, semblant le réduire à cet attribut.

Néanmoins, je pense qu'il faut avoir l'humilité en 2020 de réaliser qu'on a beau s'éduquer sur les dynamiques oppressives, et être aussi éclairé·e et militant·e que possible, il y a de fortes chances que dans 50 ans, la prochaine génération frémisse à son tour d'horreur devant les images que nous créons de notre mieux aujourd'hui. Et tant mieux.

Cela voudra dire qu'on aura significativement avancé, d'une façon que nous n'arrivons pas forcément encore à entrevoir aujourd'hui. J'ai donc envie de rendre hommage à ce film, malgré ses fondements agaçants, pour son extraordinaire inventivité visuelle. Les images cherchent à exprimer la jouissance sexuelle de façon novatrice, en sortant des gros plans plan-plan sur les visages qui se tordent, les doigts qui attrapent les draps, etc...

Ça rappelle un peu Ingmar Bergman, avec les aplats de couleurs franches, avant de partir dans l'expérimental, avec une scène d'éjaculations finales complètement psychédélique."

"Pornocratie" d'Ovidie

Un documentaire percutant de la cinéaste féministe Ovidie.
Un documentaire percutant de la cinéaste féministe Ovidie.

"Comment se fait-il que le porno soit en pleine expansion sur Internet (où il consommerait pas loin de 30% de la bande passante !) alors que les conditions de production du X s'effondrent complètement, et que les actrices en sont les premières victimes...

Ovidie livre avec ce documentaire d'investigation une enquête essentielle pour comprendre pourquoi les performeuses porno se retrouvent à tourner des scènes deux fois plus hard, pour deux fois moins d'argent. Elle montre comment ce bouleversement majeur dans l'industrie du X est lié à l'arrivée des 'Tubes' (YouPorn, Pornhub, Xhamster... ndrl).

Créées par des geeks pour faire du fric, ces plateformes mettent en ligne des vidéos gratuites en illimité, le plus souvent piratées, dans l'anarchie la plus totale. Pornocratie explique par A+B que consommer du porno gratuit parce que 'ça ne coûte rien' et que 'tout le monde fait ça', c'est soutenir un système injuste et maltraitant. #payforyourporn."

"How To Be A Sex Goddess In 101 Easy Steps" d'Annie Sprinkle

La pornographie éducative de la grande Annie Sprinkle.
La pornographie éducative de la grande Annie Sprinkle.

"Ce film d'Annie Sprinkle et Maria Beatty produit par Candida Royalle (que des grands noms du porno féministe) explore le plaisir féminin avec beaucoup d'humour et beaucoup de sagesse à la fois. Campée devant un fond vert qui va en voir de toutes les couleurs, Annie Sprinkle nous propose de maximiser notre potentiel de jouissance en les suivant, elle et ses 'facilitatrices de transformation', dans ce guide vidéo d'une heure.

Le voyage commence avec des rituels de préparation, masques de beauté, perruques, maquillages, tenues... mais attention, le rituel n'enferme pas, il est ici profondément émancipateur. Le maquillage peut être barbouillage, la coiffure joue avec les poils pubiens, les tenues vont de la dominatrice au drag king en passant par la cow girl. Et si on préfère, on peut opter pour des peintures corporelles à base de sang menstruel.

Annie Sprinkle nous souffle à l'oreille que qui que nous soyons, cette personne est la bienvenue et mérite que l'on prenne soin d'elle. Puis des exercices de respiration, de danse, des échauffements vocaux préparent au plaisir sexuel. Derrière la fantaisie jubilatoire de ses 'déesses' et 'salopes', Annie Sprinkle pose dans ce film des bases essentielles : le genre est une performance. La sexualité commence avec soi-même.

Chaque femme a des besoins différents. Le sexe doit être safe. Le savoir sur la sexualité féminine a été réprimé, perdu, il est temps de se le réapproprier. Et de se réapproprier nos orgasmes. Un beau programme."

"The 36-Year-Old Virgin" de Skyler Braeden Fox

Une pornographie alternative ?
Une pornographie alternative ?

"Skyler, un homme trans de 36 ans, souhaite expérimenter pour la première fois le sexe pénétratif avec un homme cis. Il voudrait vivre un rapport 'traditionnel' en somme, pénis / vagin, celui dont on nous rebat les oreilles. Quand le jour J arrive, Skyler a choisi Bishop Black pour vivre ce moment. Mais aussi Sadie Lune, son amie, qui va rester à ses côtés pendant la relation sexuelle, et lui tenir la main (littéralement).

Au final, les choses ne se passent pas comme prévu, car du fantasme à la réalisation, il y a un monde d'émotions. En l'occurence, là, il y a blocage, et Skyler ne va pas tourner le porno escompté. Mais c'est justement ça qui est précieux : voir un porno qui ne filme pas ce qu'il était censé filmer. Et qui s'arrête en cours de route pour s'interroger."

"La chatte à deux têtes" de Jacques Nolot

Cinéma porno et "branleurs" ordinaires.
Cinéma porno et "branleurs" ordinaires.

"Ce film de Jacques Nolot, scénariste et cinéaste iconique, ancien gigolo dont la vie a inspiré un film à André Téchiné, nous propose un huis-clos magnifique dans un cinéma porno. À l'entrée, une caissière mélancolique, amoureuse de sa solitude. Les hommes vont et viennent, certains s'habillent de robes, perruques, colliers dans les toilettes du ciné, d'autres ont leur veste de militaire sur le dos, ou leur casquette vissée au crâne.

Tous sont en quête d''amour', comme nous le susurre la chanson du film. Tous ces hommes se retrouvent là, à regarder des films de porno hétéro, à se regarder regarder du sexe, et à chercher du sexe avec un autre. Pipes furtives, coups dans les toilettes, branleurs qui se rassemblent en cercle autour d'un couple improvisé, le sexe est stoïque, dépassionné, filmé avec une grande simplicité. La caméra la regarde comme une interaction comme une autre.

La profondeur et l'émotions se logent dans les dialogues. Les épanchements. Les questionnements existentiels sur la solitude, la perte, la nouveauté, la rencontre..."