Les députés votent pour le retour de l'insecticide "tueur d'abeilles"

Publié le Mercredi 07 Octobre 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Une mesure qui fait polémique.
Une mesure qui fait polémique.
"4 milliardièmes de grammes de néonicotinoïdes suffisent à tuer 50% d'une population d'abeilles". Souhaitée par l'Assemblée nationale et le ministre de l'Agriculture, la réintroduction "temporaire" des néonicotinoïdes suscite la polémique. Ces insecticides seraient aussi bien nocifs pour les abeilles que pour la santé humaine.
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Connaissez-vous les néonicotinoïdes ? Il s'agit d'un type d'insecticides destiné à protéger les plantes. Les agriculteurs l'emploient notamment contre les pucerons. Mais le produit est particulièrement nocif contre les abeilles, si bien que certains n'hésitent pas à surnommer ce pesticide : "le tueur d'abeilles". L'emploient, ou plutôt l'employaient : la loi Biodiversité de 2016 annonçait l'interdiction officielle de ces insecticides. Logique à l'heure où la question de la protection des hyménoptères investit les débats publics.

Mais si un retour en arrière bouleversait totalement l'ordre des choses ? Ce 6 octobre, l'Assemblée nationale a effectivement voté en faveur de la réintroduction dite "temporaire" des néonicotinoïdes. L'idée sur le papier ? Répondre aux besoins des agriculteurs, notamment aux producteurs de betteraves, face aux "agissements" des pucerons sur les plantations. Pour Julien Denormandie, le vote de ce projet de loi est une évidence : "Il n'existe pas d'alternatives", affirme le ministre de l'Agriculture, comme le relate le journal 20 minutes.

Des assertions qui, on s'en doute, ont suscité les opinions les plus critiques. Des voix, militantes et politiques, nous alertent volontiers quant aux dangers de ces produits chimiques sur la biodiversité, et pas seulement.

"Une urgence écologiste"

"Je demande aux députés de ne pas voter cette loi sur les néonicotinoïdes. Je les appelle à ne pas subir la pression des lobbys des pesticides. Ce ne sont pas les pucerons qui tuent les emplois de la betterave. C'est la concurrence internationale", avait en ce sens protesté le député européen EELV Yannick Jadot sur les ondes d'Europe 1. Des déclarations - de nouveau - fustigées par Julien Denormandie, qui dénonce sans détour une forme "d'incompétence". "Donc si vous étiez betteravier, que feriez-vous ?", s'interroge encore le ministre.

Se voulant rassurant, Demormandie loue les qualités d'un projet de loi complexe "qui ne veut pas opposer économie et écologie", et conteste tout rétropédalage. Pas de quoi convaincre les associations et ONG qui, l'espace d'une tribune relayée par le JDD, pointent du doigt les dangers dudit projet, lequel ne fait qu'encourager une "course sans issue fondée sur l'agrochimie" en prescrivant des pesticides "dangereux pour la biodiversité, la santé, les abeilles et une multitude d'espèces non cibles : pollinisateurs sauvages, vers de terres, crustacés."

Un texte aussi bien approuvé par Greenpeace France et WWF France que par la Fondation Nicolas Hulot pour la Nature et l'Homme. "4 milliardièmes de grammes de néonicotinoïdes suffisent à tuer 50% d'une population d'abeilles. En pleine urgence sanitaire et écologique, les Français jugeront de votre volonté de privilégier - ou non - leur santé et l'environnement", assure la tribune. Un ton cinglant, mais légitime.

Comme le rappelle BFM TV, les néonicotinoïdes seraient non seulement dangereux pour les abeilles et les oiseaux, mais ils seraient aussi susceptibles d'être des perturbateurs endocriniens... ou cancérogènes. Cet appel est donc primordial à l'heure du "monde d'après".