Le Royaume-Uni s'attaque à la précarité menstruelle : à quand la France ?

Publié le Mercredi 17 Avril 2019
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
La campagne #FreePeriods contre la précarité menstruelle en Angleterre
La campagne #FreePeriods contre la précarité menstruelle en Angleterre
Suivant l'exemple de l'Ecosse, l'Angleterre et le Pays de Galles viennent d'annoncer la distribution de protections périodiques gratuites dans les établissements scolaires. Des mesures salvatrices visant à combattre la précarité menstruelle alors que la France peine à se saisir du sujet.
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La précarité menstruelle deviendrait-elle enfin un sujet de préoccupation gouvernemental ? Depuis quelques mois, cela bouge de l'autre côté de la Manche. Après l'Ecosse en 2018, c'est au tour du Pays de Galles d'annoncer la distribution de protections périodiques gratuites dans les établissements scolaires. Ainsi, ce ne sont pas moins de 141 000 jeunes filles dans les écoles primaires et secondaires qui bénéficieront de ces produits, a annoncé le gouvernement qui vient de débloquer un plan de 2,3 millions de livres (2,65 millions d'euros).


Cette excellente initiative vise à faire reculer le fléau de la précarité menstruelle aux conséquences dramatiques sur l'éducation. En effet, comme l'ont souligné les militantes, de trop nombreuses d'écolières ratent l'école durant leur période de menstruation, faute de pouvoir se fournir en protections hygiéniques. Deux filles sur cinq sont obligées d'utiliser du papier toilette en guise de serviette hygiéniques, comme l'a révélé une étude datant de 2018 de Plan International UK. Certaines se tournent même vers des journaux ou des chaussettes.

"Il est essentiel que des produits sanitaires ainsi que de locaux viables soient à la disposition de toutes les écolières afin qu'elles puissent gérer leurs règles en confiance et sans que cela ne devienne une barrière à leur éducation", a ainsi annoncé le Premier ministre gallois, Mark Drakeford, soulignant que les écoles financées étaient encouragée à privilégier des "produits réutilisables et écolo".


"Il est invraisemblable que de jeunes femmes soient obligées de manquer des jours d'école simplement parce qu'elles n'ont pas accès ou qu'elles ne peuvent pas s'offrir des protections hygiéniques", a renchérit la ministre de l'Education nationale galloise, Kirsty Williams. "Nous sommes déterminé·es à nous attaquer à cette inégalité au Pays de Galles."

Le Royaume-Uni à l'avant-garde

L'an passé, c'est l'Ecosse qui avait donné l'impulsion. Le gouvernement avait annoncé le déblocage d'un fonds de 5,2 millions de livres (6,4 millions d'euros) destiné à fournir gratuitement des protections périodiques aux 395 000 jeunes filles dans les écoles, les collèges et les universités du pays.

Comme annoncé en mars dernier, l'Angleterre sautera elle aussi le pas dès la rentrée. Alors que le programme de distribution devait se limiter aux collèges et lycées, le ministre des Enfants et des familles Nadhim Zahawi a annoncé ce mardi (16 avril) qu'il s'étendrait en 2020 à plus de 20 000 écoles primaires, les filles ayant leurs règles de plus en plus tôt. Une victoire pour la jeune activiste Amika George qui avait porté la puissante campagne #FreePeriods en avril 2017, appelant à éradiquer la précarité menstruelle dans les établissement scolaires anglais. Le mouvement avait pris une telle ampleur que 2000 personnes s'étaient rassemblées devant le 10 Downing Street en décembre 2017 pour mettre le gouvernement sous pression.

La France à la traîne


Et en France ? Ce n'est pas gagné. "La précarité menstruelle est un problème économique, sanitaire et social générant un véritable tabou autour des règles. D'une part, elles coûtent cher- 24,6 euros par an en moyenne- et ne sont toujours pas remboursées par la Sécurité Sociale, malgré le combat de certaines féministes. Nous sommes nombreuses à être restées en colère après que la taxe tampon soit tombée. Les mesures prises ne sont toujours pas suffisantes", regrette Florence Fortune, rédactrice en cheffe des Petites Glo.

Pour tenter de faire bouger les choses, cette newsletter féministe pour adolescentes mène la campagne #StopPrécaritéMenstruelle tambour battant, lançant une pétition à l'attention du ministre de l'Education pour un accès libre et gratuit à des protections périodiques bio dans tous les collèges et lycées de France. Avec pour résultat, quelques timides frémissements.

"Grâce à cette campagne, des distributeurs de protections périodiques seront mis en place dans les toilettes des collèges du Xe arrondissement dès la rentrée. Les Ve, XIVe et IIe arrondissements de Paris se lancent également à nos côtés. Cette campagne n'est pas finie, nous ne lâcherons pas et continuerons d'interpeller les pouvoirs publics."

D'autres initiatives surgissent pour pallier le manque et faire face à l'inaction des pouvoirs publics. En janvier, à Lille, 30 000 kits de protections périodiques avaient été distribués aux étudiantes à l'initiative de la vice-présidente de l'université, Sandrine Rousseau. "C'est une question d'équité et de santé. Parce qu'il y a beaucoup d'étudiantes qui rognent sur ce budget et ce n'est pas bon", justifiait-elle.

L'association Règles élémentaires, créée en 2015, s'est quant à elle donnée pour mission de collecter des produits d'hygiène intime à destination des femmes sans-abri et mal-logées.

"La pauvreté et la précarité menstruelle est un facteur qui met la santé des femmes en danger. A travers le monde, plus de 500 millions de filles et de femmes n'ont pas du tout accès à des protections hygiéniques", rappelle Le directeur général de CARE France, Philippe Lévêque, qui a placé la problématique de la précarité menstruelle au coeur de l'une de ses dernières campagnes.


"Quand on voit ce qu'il se passe au Royaume-Uni, on se dit : 'A quand la mise en place d'une telle mesure nationale en France ?' Une chose est sûre : nous n'allons pas arrêter de nous battre tant que ce ne sera pas le cas", assure Florence Fortune.