C'est l'heure du bilan. Après des décennies à suivre des schémas patriarcaux sexistes, le cinéma fait enfin son audit. Ou du moins, ses actrices se chargent de pointer ce qui ne va pas, ce qu'elles n'accepteront plus. Alors qu'Adèle Haenel et Florence Foresti ont réagi lors de la 45e cérémonie des César après la récompense de Roman Polanski, d'autres artistes tentent de bousculer le système.
C'est le cas d'Agnès Jaoui, membre du collectif 50/50 pour la parité dans le Septième art et signataire de la tribune pour la réforme de l'Académie des César, qui dénonce un fonctionnement "élitiste et fermé" et "l'opacité des choix, des comptes, les petites humiliations" qui y sont quasi systématiques. Présente au Festival 2 Cinéma de Valenciennes pour un hommage qui lui sera rendu vendredi 13 mars, elle a livré ses positions claires sur le sexisme dans le milieu dans le colonnes de La Voix du Nord.
L'actrice et réalisatrice explique notamment que le manque de femmes dans "les comités, les présidences, les directions" l'ont poussée à se positionner pour l'application de quotas imposés. Et témoigne de la raison pour laquelle les choses ont tant de mal à bougé : "la discrimination, peu importe laquelle, on ne s'en rend pas compte quand on n'est pas concerné", lance Agnès Jaoui. "Le cinéma a cent ans de retard, un siècle à rattraper pour sortir de l'oubli celles qui ont été effacées comme l'ont été des compositrices, des auteures."
Elle avance des chiffres qui en disent longs : "Pour les rôles de moins de 50 ans, seuls 22 % sont féminins et réservés à des nanas qui pèsent trente kilos... Ça tombe à 3-6 % après".
C'est d'ailleurs pour faire entendre une voix "trop longtemps intériorisée et soumise" que l'actrice est passée derrière la caméra. "L'histoire d'une femme de 35 ans, ça n'intéressait pas les hommes", explique-t-elle. Quand bien même, elle la raconte. Elle ajoute : "Malgré les excès, les malentendus, ce qui se passe actuellement a la vertu de faire réfléchir. Certains doivent se sentir gênés d'avoir eu une main baladeuse... D'autres se rendent enfin compte de ce machisme inconscient et habituel..." Un changement tant attendu ? On l'espère. Et à La Voix du Nord, Agnès Jaoui avoue aussi y croire.