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Rire, spleen, trash : 3 rôles pour redécouvrir l'immense Isabelle Huppert

Publié le Mercredi 03 Avril 2024
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
11 photos
Alors que sort en salles "Sidonie au Japon", fantaisie façon Amélie Nothomb, on se replonge avec joie dans la vertigineuse filmo d'Isabelle Huppert, alias "Zaza" pour ses fans. Mais quels films privilégier quand on pense avoir tout vu ?
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En ce 3 avril débarque en salles "Sidonie au Japon", une fantaisiste comédie qui promène sa protagoniste façon Lost in translation. Un portrait de femme, mais pas n'importe lequel : celui de sa star,Isabelle Huppert. "Zaza", ce sont des dizaines de rôles, du cinéma, du théâtre, de la télé, du doublage de films d'animation. C'est un rire sonore, beaucoup d'autodérision, des expérimentations trash (chez Haneke, Verhoeven), ce sont des compositions qui oscillent entre la fausse insouciance et le viscéral.

Ce sont des César. C'est une classe, aussi. Et bien évidemment une filmographie vertigineuse que l'on peine à dévorer d'un bout à l'autre. Pourtant, chaque oeuvre vient enrichir un imaginaire propre à son actrice. Cela, un livre de référence le suggère, Isabelle Huppert : vivre ne nous regarde pas, étude critique passionnante signée Murielle Joudet (éditions Capricci). Mais quels films au juste privilégier si l'on veut redécouvrir cette icône ?

Voilà 3 petites suggestions qui sauront vous satisfaire.

"La dentellière" (1977)

Isabelle Huppert, première ère : ce film nous présente une jeune femme vulnérable, introvertie, que la vie, la violence de classe et le couple vont malmener.

On pense rarement à se replonger dans les premiers faits d'armes de la grande Zaza. A peine citera-t-on, passages obligés, Les valseuses (oeuvre de plus en plus controversée), Coup de torchon, ou, à juste titre, les premières collabs' avec Chabrol : Violette Nozière naturellement, mais aussi Une affaire de femmes. Mais s'il y a bien un rôle qui dévoile une facette précieuse d'Isabelle Huppert, c'est celui de la jeune Pomme dans La dentellière.

Isabelle Huppert, première ère : loin de l'image à la fois légère et glaçante que peuvent renvoyer ses plus contemporaines incarnations, ce film de Claude Goretta adapté du roman du même nom nous présente une jeune femme vulnérable, introvertie, que la vie, la violence de classe et le couple vont malmener jusqu'à la briser. Emane de cette fable moderne une subtile cruauté, insoutenable, et du jeu d'Isabelle Huppert une bouleversante fragilité.

A revoir ce film sorti la même que Star Wars (ca ne s'invente pas), on redécouvre une délicatesse pas si éloignée de celle d'Eric Rohmer. Et une douleur, aussi, bien palpable.

"Merci pour le chocolat" (2000)

Pour le cinéaste, le pitch un prétexte juste bon à déclarer sa flamme à la comédienne, de ses oripeaux de diva à ce trouble quasiment mystique sans lequel Huppert ne serait pas Huppert.

C'est LA question phare pour tout féru "d'Isabelle" : quel Chabrol choisir (pas si évident à dire) ? Violette Nozière, Une affaire de femmes, Madame Bovary, ou bien encore le savoureux petit bijou d'humour noir La cérémonie (fusil au poing, Huppert y tutoie Charles Bronson, l'ironie et l'irrévérence anti bourgeoisie en plus) mais aussi L'ivresse du pouvoir, Rien ne va plus... Personne n'a aussi bien compris Isabelle Huppert que Claude Chabrol.

Car d'un rôle à l'autre, c'est l'imaginaire d'une actrice qui s'envisage : drôlerie, tragicomédie, drame qui vise le coeur, complexité psychologique, ambiguïté, et : élégance. C'est cela que l'on retiendra de Merci pour le chocolat, film à suspense qui fait peser bien des mystères sur une épouse qui suscite la méfiance d'une jeune pianiste. Pour le cinéaste, le pitch est un prétexte juste bon à déclarer sa flamme à la comédienne, de ses oripeaux de diva à ce trouble mystique sans lequel Huppert ne serait pas Huppert.

En témoigne, cette scène finale, l'une des plus belles du cinéma de Claude Chabrol, qui vient sublimer un trait de son interprète : ce regard à la fois tranchant et mélancolique, où se noie tout l'indicible du monde.

"Copacabana" (2010)

La drôlerie Huppert, une grammaire trop mésestimée.

Plus méconnu, idéal pour vous emporter vers d'autres horizons, "Copacabana", une tragicomique - même si plus comique qu'autre chose - chronique abordant une relation/mère fille aussi authentique à l'écran... qu'en dehors. C'est bien normal, puisque c'est à sa véritable fille, Lolita Chammah, qu'Isabelle Huppert donne la réplique. Et audace de la chose, elle le fait avec une autodérision savoureuse, assumant le rôle d'une daronne too much et tendre.

Trop de maquillage, de gestes, de rires, de tout : son alias devant les caméras déborde de partout sous le regard attentionné du cinéaste Marc Fitoussi. Connue pour son intériorité, cette intensité qu'elle conserve dans son regard, dans son corps, Huppert s'amuse ici comme dans une cour de récré. C'est un bonheur à voir, d'autant plus que face à sa binôme, la complicité mâtinée de tension qui en résulte rend l'expérience des plus troublantes.

Isabelle Huppert, c'est aussi cela, une grammaire burlesque, une fantaisie, une aura d'extraterrestre qui la positionne à la fois si loin et si près de nous, de son public. Ce qui explique sa popularité et sa perduration. Ave, Zaza.