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Claque de la rentrée littéraire, "Triste Tigre" remporte le Prix Femina

Publié le Lundi 06 Novembre 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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Dans Triste Tigre, déjà sacré par le prix Le Monde, la romancière Neige Sinno dépeint le portrait, les actes et la psychologie de son agresseur : son beau-père. Une vraie claque qui vient de remporter le prix Femina ! C'est mérité.
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Dans Triste Tigre, la romancière Neige Sinno dépeint le portrait, les actes et la psychologie de son agresseur : son beau-père. Les mots sont crus, le récit est celui d'une enfance meurtrie, la prose et l'intelligence de l'écriture évoquent aussi Emmanuel Carrère et Christine Angot que Vanessa Springora et son Consentement. De grands noms pour un très grand récit.

Ce livre dévastateur, nous l'avions érigé parmi nos préférés de la Rentrée littéraire 2023. A raison ! Car Triste Tigre, qui concoure pour de multiples prix dont le Goncourt, lequel sera remis ce 7 novembre, vient tout juste de remporter le Prix Femina. Le jury féminin du prix créé il y a plus d'un siècle a couronné cet opus paru aux éditions POL et écoulé à plus de 50 000 exemplaires. Un chiffre qui risque bien de monter en flèche.

Une célébration méritée pour cette oeuvre complexe et passionnante. Complexe, passionnante, d'accord, mais pourquoi au juste ? Rappel...

Un témoignage majeur sur l'inceste (mais pas seulement)

Dans cette non fiction crue et puissante sur la difficulté post-MeToo à "faire témoignage", Neige Sinno, dont c'est le troisième ouvrage passe au scalpel les mécanismes des violences patriarcales, à l'instar de Vanessa Springora avec Le consentement (dont l'adaptation en film rencontre un étonnant succès).

Tout en déconstruisant une certaine "culture de l'inceste" l'autrice s'interroge : comment se raconter ? et quoi raconter au juste ? Le tout prend la forme d'un témoignage protéiforme : journal intime, analyse littéraire (qui décortique Vladimir Nabokov et sa Lolita), introspection brutale sur la condition des romanciers (l'écriture ne guérit de rien et ne répare pas, selon la narratrice), mais aussi histoire actuelle, profondément politique, qui prend le pouls d'une société où la parole se libère... Sans forcément libérer. Ou être entendue.

Loin d'être inaccessible, ce livre est un récit de l'intime, certes, mais surtout un dialogue permanent : Neige Sinno par le biais d'interactions et de pensées impudiques échange constamment avec nous, lecteurs, quitte à nous partager sans détour ses pensées les plus crues. Cette absence de filtre, c'est la particularité des plus grandes plumes. Dans un autre genre, la frontalité du premier roman de Panayotis Pascot a également bousculé plus d'un lecteur en cette rentrée. En tous les cas, le Prix Femina est largement mérité.

Comme le rappelle à raison Livres Hebdo, Neige Sinno pourrait tout à fait remporter deux autres prestigieux prix très prochainement : le Goncourt et le Médicis. Cela sera-t-il le cas ? Réponses dans les prochains jours !