Pourquoi l'accueil des victimes de violences conjugales pose (toujours) problème

Publié le Jeudi 25 Mars 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
La nouvelle enquête de Nous Toutes épinglent les attitudes des policiers et gendarmes accueillant les victimes de violences conjugales.
La nouvelle enquête de Nous Toutes épinglent les attitudes des policiers et gendarmes accueillant les victimes de violences conjugales.
En 2021 toujours, l'accueil au commissariat et en gendarmerie des victimes de violences conjugales est loin d'être parfait. Pire encore, il génère bon nombre d'obstacles. C'est en tout cas ce que suggère une nouvelle enquête du collectif féministe #NousToutes.
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90% des femmes ayant porté plainte en 2020 pour des faits de violences conjugales seraient satisfaites de l'accueil en commissariats et gendarmeries. Ça, c'est que nous assurait le ministère de l'Intérieur le 5 mars dernier suite à une étude menée auprès de 2 072 victimes et réalisée dans 124 sites de la police nationale et 466 unités de gendarmerie. Or, une nouvelle enquête du collectif féministe #NousToutes nous démontre précisément l'inverse et déplore "un chiffre en total décalage avec la réalité de terrain".

A l'origine de cette enquête portant sur l'accueil des victimes, un appel à témoignages lancé début mars. Résultats ? #NousToutes a récolté pas moins 3 500 témoignages en quinze jours, en majorité (97,3%) des femmes ayant porté plainte pour des faits de violences sexistes ou sexuelles. 30% des témoignages concernent des victimes mineures, et 43,7% des faits de violences au sein du couple. Le verdict ? 66% des personnes ayant témoigné font état une mauvaise prise en charge par les forces de l'ordre lors de leur dépôt de plainte.

Minorisation des faits décrits, attitude lorgnant vers le victim blaming pur et dur (la culpabilisation des victimes), découragement de la victime, ou tout simplement refus de prendre la plainte, les situations évoquées par les voix anonymes sont édifiantes. De quoi douter des statistiques du ministère de l'Intérieur.

"Ils m'ont dit que ce n'était rien"

Sur les 3 500 témoignages recueilli en quinze jours, 67, 8 % évoquent une banalisation des faits, 56,5 % un refus de prendre la plainte ou un découragement de la victime à poursuivre la procédure, 55, 2 % une culpabilisation de la victime... Mais ce n'est pas tout. Les résultats détaillés témoignent aussi de comportements plus insidieux mais tout aussi blâmables.

Par exemple ? Des moqueries sexistes ou propos discriminants de la part des forces de l'ordre (29,8 %) ou bien encore une forme de solidarité envers l'agresseur présumé (26, 2 %). De quoi interroger ce nouveau slogan marketing des gendarmeries françaises qui a tant fait grincer des dents : "Vous êtes féministes ? Devenez gendarme". D'autant plus que l'enquête du collectif féministe ne s'arrête pas là.

#NousToutes a également récolté 44 témoignages de personnes se déclarant non-binaires. Et les témoignages en question font état d'une mauvaise prise en charge... dans 81% des cas. Refus de prendre la plainte ou découragement ainsi que culpabilisation de la victime ont dès lors lieu dans plus de 50 % des cas pris en considération. A cela faut-il encore ajouter des moqueries ou propos discriminants, parfois transphobes.

"Ils m'ont dit que ce n'était rien, que les violences et le harcèlement que je subissais, c'était simplement parce qu'il m'aime et n'arrive pas à me laisser. Qu'il n'est pas en infraction", "Lorsque j'ai souhaité porter plainte on m'a dit qu'il y avait peu de chances que ma plainte mène quelque part et ils m'ont promis de me rappeler et ne l'ont jamais fait", "On m'a dit : " Madame, "on ne reste pas quand ça se passe mal "", "Je suis venue porter plainte pour outrage sexiste. Le policier ne savait pas ce que c'était, il a cherché la définition sur internet sous mes yeux", nous racontent certains de ces témoignages.

On savait déjà que 80 % des plaintes déposées pour violences conjugales étaient classées sans suite. On possède désormais d'autres éléments de réponses pour expliquer les difficultés bien légitimes qu'éprouvent les victimes de violences à porter plainte au sein des commissariats et gendarmeries.

- Si vous êtes victime ou témoin de violences conjugales, appelez le 3919. Ce numéro d'écoute national est destiné aux femmes victimes de violences, à leur entourage et aux professionnels concernés. Cet appel est anonyme et gratuit.

- En cas de danger immédiat, appelez la police, la gendarmerie ou les pompiers en composant le 17 ou le 18.