Notre vie sexuelle dépend-elle de la taille de nos fenêtres ?

Publié le Mardi 05 Novembre 2013
Notre vie sexuelle dépend-elle de la taille de nos fenêtres ?
Notre vie sexuelle dépend-elle de la taille de nos fenêtres ?
À l'abri de leurs « bow windows », les Anglais font-ils l'amour différemment des Français derrières leurs hautes fenêtres ? L’architecture de nos habitations aurait-elle une influence sur nos relations sexuelles ? Notre experte sexo Sophie Bramly a exploré la question.
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La sexualité et la façon dont elle s'envisage et se perçoit, s'immiscent partout, y compris dans l'architecture des villes. On sait comme certains bâtiments sont, par exemple, ouvertement phalliques, érotiques, voluptueux, ou au contraire rigides, fermés, hostiles aux douceurs de la chair. L'architecture abrite, mais aussi elle érige, ordonne, police la cité, instaure des règles. On dissèque peu son influence sur les relations sexuelles qu'elle dissimule, pourtant elle impacte sur les pratiques des habitants, forgeant les désirs sur un même tempo, imposant les mêmes limites.

En France l'architecture urbaine dominante privilégie depuis longtemps les fenêtres hautes, (les rez-de-chaussée d'immeubles n'ont d'autres habitations que celles des gardiennes qui surveillent). Dans certaines régions de France, les maisons individuelles sont parfois repliées sur elles-mêmes, autour de cours ou de jardins murés. La plupart du temps, les rideaux couvrent la totalité de la fenêtre. En France, la vie intime doit être cachée.

Les Anglais ont, eux, favorisé les bow windows, fenêtres en saillie qui avancent sur la rue comme pour inviter le passant, avec une répétition à l'identique des architectures individuelles, collées les unes aux autres. Chez eux, les rideaux sont souvent à mi-hauteur, cachant au piéton ce qu'il ne saurait voir, mais laissant la lumière pénétrer.

Les Hollandais ont opté pour les grandes fenêtres majestueuses dès le rez-de-chaussée, sans rideaux, offrant aux passants la possibilité de tout voir comme si rien n'était à cacher, ou sous-entendant que rien dans les pratiques n'est répréhensible.

En Scandinavie comme en Californie, depuis les années 1960, les fenêtres ont été remplacées par des baies vitrées. On peut penser qu'il s'agit seulement de mieux faire rentrer la lumière dans les demeures. Pourtant, force est de constater que la Hollande, la Scandinavie et la Californie ont porté aux nues, à la même époque, des architectures où les murs s'effacent pour laisser les vitres s'épanouir, et - dans un même temps - la libération sexuelle, comme si la lumière devait se faire partout : y compris dans la façon de pratiquer le coït. Il ne peut y avoir de hasard.

Des expériences ont été tentées entre sexualité et architecture. L'immeuble de Le Corbusier, La cité radieuse, à Marseille, a été envisagé à partir de la forme du corps humain, piscines et terrasses devant permettre aux résidents de justement pouvoir montrer le leur. Une expérience plus volontaire encore a eu lieu dans les années 1960, dans le Colorado (USA). Drop City était une ville expérimentale, communautaire, basée sur le principe d'un dôme géodésique pour tous, cherchant à provoquer un état « d'orgasme constant ».

Les expériences n'ont pas donné lieu à des révisions radicales de nos architectures. Mais les constructions contemporaines optent depuis un certain temps pour une plus grande ouverture des fenêtres, offrant un champ de vision plus large et, symboliquement, une plus grande liberté individuelle.

La lumière, c'est aussi l'explication, la connaissance, le savoir. L'explication et le savoir, s'agissant de la relation sexuelle, c'est la liberté d'écouter les désirs du corps, d'agir sans craindre le jugement des autres (y compris de son/sa partenaire), sans chercher à se conformer aux tendances en vigueur. La chambre, quel que soit l'architecte et quel que soit la taille de la fenêtre, est bien le premier espace de liberté pour chacun. À condition de s'en souvenir.