"Je ne veux pas me marier" : la lettre d'une fillette indienne forcée d'épouser son instituteur

Publié le Mercredi 29 Avril 2015
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Une jeune Indienne le jour de ses noces
Une jeune Indienne le jour de ses noces
Forcée par ses parents de se marier à son instituteur, une Indienne de 13 ans a écrit une lettre bouleversante à son directeur d'école dans laquelle elle le supplie de tout faire pour empêcher cette union arrangée.
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Un rapport du Département des affaires économiques et sociales de l'ONU paru en début d'année a beau confirmer la baisse du nombre de mariages forcés dans le monde depuis quarante ans, certaines régions du monde continuent encore et toujours de contraindre des jeunes filles, parfois à peine pubères, de se marier à des hommes deux, trois fois plus âgés qu'elles. C'est notamment le cas en Inde.


LBien qu'interdits, les mariages d'enfants y restent en effet fréquents, en particulier dans les régions les moins urbanisées comme le Rajasthan, l'Andhra Pradesh et Karnataka. Souvent pauvres, les familles de ces zones rurales encouragent la pratique des mariages précoces car elle leur permet d'avoir une bouche de moins à nourrir. Les parents de ces jeunes filles ne prennent que rarement en considération les conséquences désastreuses que les mariages d'enfants ont sur le développement économique du pays, mais aussi sur les droits des femmes indiennes.


"Je ne veux pas me marier si tôt"

C'est notamment le cas des parents de la petite Duli Hembrom. À tout juste 13 ans, cette fillette vivant dans le district de Jamshedpur, à l'Est de l'Inde, a été promise comme épouse à son professeur, un adulte bien plus âgé qu'elle. Désespérée à l'idée de se marier si jeune à un partenaire qu'elle n'a pas choisi librement, Duli a décidé, après que tous ses efforts pour convaincre ses parents d'annuler le mariage ont échoué, de se tourner vers le proviseur de son école.


Dans une lettre adressée le 17 avril, elle le supplie d'user de son autorité et de son influence pour convaincre ses parents de renoncer à l'union.


"Mes parents ont fixé mon mariage le 22 avril. Je ne veux pas me marier, au moment où j'ai été admise à l'école, j'ai prêté serment de ne jamais me marier avant d'avoir eu 18 ans. Je ne veux pas me marier si tôt", a écrit Duli dans sa lettre, que s'est procuré l'India Times .


Cela n'a malheureusement pas été suffisant pour que les parents de Duli changent d'avis. Dans un entretien accordé à l'Hindustan Times , le père de la fillette affirme que le mariage des enfants est un phénomène commun et admis de tous en Inde, car il est plus difficile de trouver un mari aux filles une fois qu'elles sont devenues adultes.

Les mariages précoces, une tradition encore trop ancrée dans les mentalités

Selon l'Unicef, 700 millions de filles sont aujourd'hui mariées de force avant leurs 18 ans dans le monde. L'Inde est le deuxième pays où est célébré le plus grand nombre de mariages d'enfants, derrière le Bangladesh. Environ 51,8% de filles dans l'État du Jharkhand sont mariées avant leur majorité d'après les registres officiels.


Malgré les efforts faits par le gouvernement indien pour empêcher les mariages précoces – depuis 1929, l'âge légal du mariage est fixé à 18 ans pour les filles, 21 ans pour les garçons – les unions forcées sont encore trop répandues. Résultat tout à la fois des traditions religieuses, des pratiques sociales, des facteurs économiques et des préjugés profondément enracinés, le mariage forcé de filles mineures continue d'être la règle dans les régions les plus pauvres de l'Inde, où sont aussi célébrées des unions entre cousins. Dans l'Andhra Pradesh et le Karnataka, 20% des unions se font encore entre parents.