"Une guerre contre les femmes" : Pour Amnesty, les Talibans devraient être jugés pour "crime contre l'humanité"

Publié le Mardi 30 Mai 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
"Une guerre contre les femmes" : Pour Amnesty, les Talibans devraient être jugés pour "crime contre l'humanité"
Des réfugiés d'Afghanistan arrivent à l'aéroport Dulles - Washington à la suite du retour des talibans. Le 1er septembre 2021.
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"Une guerre contre les femmes" : Pour Amnesty, les Talibans devraient être jugés pour "crime contre l'humanité" Des réfugiés d'Afghanistan arrivent à l'aéroport Dulles - Washington à la suite du retour des talibans. Le 1er septembre 2021.
Amnesty International tire la sonnette d'alarme dans un nouveau rapport. Et en appelle à ce que la répression des droits des femmes et des filles imposée par les talibans depuis deux ans maintenant fasse l'objet d'une enquête pour "crime contre l'humanité et persécution fondée sur le genre".
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Une "guerre contre les femmes".

C'est ce que font les Talibans, selon les termes puissants du dernier rapport d'Amnesty International. Au sein de cette enquête forcément accablante, l'ONG fustige la répression brutale des droits des femmes et des filles par les talibans depuis août 2021, répression qui "devrait donner lieu à des enquêtes, car il est possible qu'il s'agisse de crimes au regard du droit international".

Mais quel genre de crimes au juste ? Et bien, ils prennent la forme de deux intitulés : persécution fondée sur le genre, ou "persécution sexiste", voire même, crime contre l'humanité, défendent à la fois Amnesty et la Commission internationale de juristes. D'où le titre éloquent dudit rapport, mis en ligne le 26 mai dernier : "The Taliban's war on women: The crime against humanity of gender persecution in Afghanistan". Les charges retenues ? Mauvais traitements, emprisonnement, mais aussi "disparitions forcées et torture".

Et c'est pour cela que la Cour pénale internationale est carrément prise à parti dans ce rapport détaillé. L'idée ? "Traduire en justice les membres des talibans soupçonnés d'être responsables de crimes relevant du droit international". Derrière ces mots, palpite un véritable sentiment d'urgence.

"Une campagne de persécution grave, étendue, systématique"

La liste des violations faites aux droits des femmes est interminable.

Depuis que les talibans ont repris le pouvoir, rappelle Amnesty, les femmes ont été progressivement écartées des rôles politiques mais aussi de la plupart des emplois de la fonction publique, "incitées" à rester chez elles "sauf en cas de nécessité", soumises à leurs tuteurs, contraintes au port de la burka, sans oublier l'exclusion des filles des universités, "ce qui restreint encore davantage leurs opportunités professionnelles".

A tout cela on pourra encore ajouter : interdiction de voyager seules en dehors de leur ville, restriction sévère de l'accès au permis de conduire, interdiction par endroits de délivrer le permis aux femmes, rappel à l'ordre menaçant des présentatrices télé qui ont pris le risque de se "découvrir" le visage à l'antenne.. .

Deux ans plus tard, scande Amnesty, c'en est trop :

"La campagne de persécution à motivation sexiste menée par les talibans est si étendue, si grave et si systématique que pris ensemble, ces actes et politiques constituent un système répressif visant à assujettir et à marginaliser les femmes et les filles dans tout le pays".

"Il ne fait aucun doute que ceci est une guerre contre les femmes – bannies de la vie publique, empêchées d'accéder à l'éducation, visées par des interdictions de travailler et de se déplacer librement, emprisonnées, soumises à des disparitions et torturées, notamment pour avoir dénoncé ces politiques et résisté à la répression", dénonce encore Agnès Callamard, secrétaire générale d'Amnesty International.

Voilà qui est dit. Ce qui marque dans ce rapport, c'est la pluralité vertigineuse des violences dépeintes. Physiques, autoritaires, mais aussi juridiques, sociales, professionnelles, aucun champ n'y échappe.

Par exemple, Amnesty rappelle la dramatique et insidieuse dissolution par les talibans du cadre institutionnel d'aide aux victimes de violences liées au genre, mais aussi la mise en place de décrets visant à interdire aux femmes de travailler au sein d'organisations non gouvernementales et des Nations unies.

Tout cela, pour Agnès Callamard, alimente un objectif bien précis. Et glaçant : "Les afghanes sont contraintes de vivre comme des citoyennes de seconde zone. Elles sont réduites au silence et rendues invisibles".

"Tout porte à croire que ces mesures sont le reflet d'une politique de persécution fondée sur le genre, qui vise à réduire à néant la capacité d'action des femmes et des filles dans presque tous les domaines de leur vie".