Pourquoi j'ai décidé de faire une vasectomie (et je ne regrette rien)

Publié le Mercredi 07 Décembre 2022
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
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Théo Rivière, 31 ans, a choisi de faire une vasectomie. Une procédure qu'il a rendu publique dans un tweet devenu viral. Il nous explique sa décision et ses motivations féministes.
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"J'ai une toute petite communauté sur Twitter et j'y parle surtout de jeux de société. Je n'ai pas vraiment intellectualisé mon post", sourit Théo Rivière. Ce jeune créateur de jeux de société de 31 ans, installé à Bruxelles depuis plusieurs années, ne s'attendait certainement pas à "l'explosion" de son tweet. Sur sa photo postée sur le réseau social, on le découvrait dans les toilettes d'un hôpital, charlotte chirurgicale sur la tête. "Bien rentré de ma vasectomie. Crevé de l'anesthésie mais sinon presque zéro douleur et c'est allé super vite. Vraiment, si vous êtes une personne avec un pénis sûre de ne pas vouloir d'enfant et que vous voulez libérez vos partenaires de cet aspect, je vous le recommande", écrivait-il en novembre dernier.

En l'espace de quelques heures, cette annonce qui semblait anodine à Théo a recueilli plus de 12 000 likes et a engendré des milliers de commentaires.

"Je me suis dit que j'avais fait un truc important pour moi, quelque chose dont on ne parle pas beaucoup car il y a très peu de témoignages d'hommes qui ont fait une vasectomie", nous explique-t-il. "Mon tweet a dépassé les frontières de ma petite communauté, mais c'est plutôt une bonne chose."

Théo Rivière est en couple avec Elodie depuis 17 ans. Mais sa compagne souffre depuis plusieurs années des "effets hardcore" de sa contraception hormonale, entre retards de règles, douleurs avant et après les menstruations ou changements d'humeur brutaux. Ces contrecoups pernicieux ont contribué à ouvrir une discussion au sein du couple : "Que faire pour que la contraception ne soit pas trop douloureuse et quelles alternatives envisager ?"

Car Théo est en pleine déconstruction. A travers ses lectures et ses recherches, du podcast féministe Les couilles sur la table aux livres de Mona Chollet ou encore l'incendiaire Moi les hommes, je les déteste de Pauline Harmange, le jeune homme souhaite "réfléchir au carcan sociétal et pourquoi le patriarcat a un impact aussi fort sur nos vies aujourd'hui." Parmi ses nombreux questionnements, la fameuse charge contraceptive qui incombe de façon quasi systématique aux femmes dans les couples hétéros. "En gros, on arrête le préservatif quand on est un couple stable, la femme prend la pilule ou porte un stérilet ou un implant. Point. Et c'est comme ça dans la plupart des couples autour de moi. Ce sont toujours les femmes qui en bavent."

La solution finalement choisie par Théo et Elodie au terme d'un an de réflexion ? La vasectomie. Une opération mineure qui consiste à ligaturer les deux canaux déférents transportant les spermatozoïdes à partir des testicules. Cette intervention toute simple empêche ainsi les spermatozoïdes de se mélanger au liquide spermatique et de risquer une grossesse. Le couple ayant décidé de ne pas avoir d'enfant (un choix "questionné mais acté et accepté par notre entourage"), cette technique de stérilisation masculine "définitive, sans effets secondaires et sans douleur" leur est apparue comme la meilleure option.

"C'est un tabou très important"

Ni une, ni deux, Théo a pris rendez-vous chez un urologue qui lui a expliqué le déroulement de l'opération. "Il m'a bien averti que c'était pratiquement irréversible, ce que ça impliquait, etc. Puis on a lancé le processus assez rapidement pour caler l'opération."

Le jeune homme le reconnaît : avant la procédure, il a un peu "flippé". "J'allais me faire opérer et c'est une zone- nos parties génitales- dont on ne discute jamais entre hommes. C'est un tabou très important. J'avais pas mal d'appréhension."

Mais la rapidité et la facilité de l'intervention l'ont finalement stupéfait. "Je suis arrivé le matin, je suis reparti en début d'après-midi et je n'ai eu quasiment aucune douleur et fatigue." C'est d'ailleurs ce qui l'a motivé à écrire son petit tweet, visant à dédramatiser l'opération et faire oeuvre de pédagogie sur un sujet encore trop peu abordé et mal compris, bien que de plus en plus d'hommes se tournent vers la vasectomie (12 fois plus qu'il y a 10 ans).

"Parfois, les gens pensent qu'il s'agit d'une ablation des testicules, voire du pénis. Alors que concrètement, aujourd'hui, je n'ai que deux petites cicatrices sur les testicules et je n'aurais bientôt plus rien. Il n'y aura aucun changement esthétique ou en termes de ressenti. Bref, cela ne change absolument rien à ma vie et cela soulage ma compagne."

Parmi les très nombreux commentaires que son post a engendrés, Théo a été pris pour cible par les "mascus", "qui voient la vasectomie comme une perte de masculinité et de testostérone." Des théories rances comme le "grand remplacement" véhiculées par l'extrême droite ont également émergé en un flot de messages aussi haineux qu'ignares. "C'était tellement en décalage avec mon univers et mes valeurs qu'ils ne m'ont pas trop affecté."

A contrario, la vague de soutien a étonné et touché le jeune créateur. Dans ses messages privés sur Twitter, beaucoup de questions "souvent techniques" ou des témoignages d'autres hommes qui ont eux aussi sauté le pas. Théo s'efforce d'y répondre, de rassurer et d'encourager. Car pour lui, l'enjeu- éminemment féministe- de la contraception masculine se doit d'être placé au coeur du débat actuel.

"C'est important que la parole se libère sur ce sujet. Pourquoi serait-ce toujours une affaire de femmes ?", cingle Théo Rivière. Vraie question.