5 outils d'éducation sexuelle pédagogiques qui changent du porno

Publié le Jeudi 30 Juillet 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
5 outils pédagogiques pour une éducation sexuelle qui change du porno
5 outils pédagogiques pour une éducation sexuelle qui change du porno
Chaîne Youtube, site, kit, jeu de société... On a sélectionné pour vous 5 outils qui éclaireront les ados sur la sexualité. Des plateformes pédagogiques qui abordent tous les sujets, sans tabou, et proposent des alternatives bienvenues aux films de cul.
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L'éducation sexuelle est inscrite dans la loi. Depuis 2001, l'article L312-16 du code de l'éducation stipule qu'une "information et une éducation à la sexualité sont dispensées dans les écoles, les collèges et les lycées à raison d'au moins trois séances annuelles".

Beau projet.

Seulement dans les faits, c'est une histoire bien moins progressiste qui s'écrit. Car ces quelques heures déjà peu nombreuses sont bien souvent négligées. On le voit dans les chiffres révélés par le Haut Conseil à l'Egalité entre les femmes et les hommes (HCE) en 2016 : les bons élèves sont encore (trop) rares. 25 % des écoles élémentaires, 11 % des lycées et et 4 % des collèges déclarent ainsi n'avoir mis en place aucune action ou séance d'éducation sexuelle, observe le rapport.

Pire, ces sessions précieuses et nécessaires donnent parfois lieu à des discours culpabilisants, prononcés par ceux qui prêchent l'abstinence comme moyen de contraception. "Le prêtre nous a déconseillé d'avoir des relations sexuelles avant le mariage sinon on serait moins heureux", se souvient en 2019 une jeune femme, inscrite autrefois dans le secteur privé, auprès des journalistes de France Inter. Une autre, élève dans le public, aborde dans le même article les moyens discutables des enseignant·e·s : "Elle nous a montré comment mettre un préservatif sur un pied de chaise".

Aucune des deux n'aura de conversation sur le consentement, par exemple.

Face au manque cruel de ressources et d'explications adaptées, les ados se tournent souvent vers le seul endroit qui répondra à toutes leurs questions, sans filtre : Internet. Ils et elles y trouvent une inépuisable bibliothèque d'informations pour une sexualité épanouie et émancipatrice, mais aussi son lot de contenus qui prônent des standards ravageurs, loin d'un respect égalitaire.

Alors pour pallier le vide au niveau scolaire, quelques initiatives citoyennes voient le jour. Des applis, des chaînes Youtube, des jeux ludiques pour parcourir le sexe et tout ce qui s'y rattache, aussi bien d'un point de vue sanitaire que physique, émotionnel que politique.

Voici cinq outils pédagogiques pour une éducation sexuelle complète, qui facilitera aussi la tâche des parents qui ne savent pas vraiment comment s'y prendre.

1- Le kit Lools

La fondatrice de Lools, Edita Rebours, ne sait que trop bien les peines qu'ont certains parents lorsque vient le moment de parler de sexe avec leurs enfants. Elle crée d'ailleurs Lools pour répondre aux questions des siens, explique-t-elle. "A 15 et 17 ans, ils sont à un âge où 'on en parle' à la maison ou entre copains-copines mais sans pleinement traiter le sujet. Par pudeur côté enfants ou par méconnaissance côté parents, les raisons des 'non dits' sont multiples".

Les interrogations, elles, fusent. "Comment vais-je m'y prendre ? comment cela va-t-il se passer con-crè-te-ment ? Vais-je avoir mal ?", énumère Edita Rebours. Sa solution : concevoir trois trousses (une pour les filles, une pour les garçons, une pour les deux) qui contiennent informations, préservatif, lingette d'hygiène intime, ou encore un guide de vocabulaire. "LOOLS répond non seulement en toute transparence aux interrogations des filles et des garçons mais il leur donne également des moyens d'hygiène et de protection adaptés à leur première fois. C'est de l'éducation sexuelle ludique, pratique, préventive et décomplexée".

Kit Lools , 24,90 euros.

2- La chaîne youtube "Sexpédition"

Sexpédition décortique la sexualité sous tous ses angles, avec une précision scientifique rare, schémas et dessins à l'appui, pour le plus grand plaisir de ses vingt-et-un mille abonné·e·s (et parfois dix fois plus de vues). De la fellation à la sodomie, du consentement à la contraception, en passant par les fantasmes et le porno, la vidéaste propose un panel riche de sujets divers et variés qui satisferont sans aucun doute la soif de savoir des adultes en devenir (mais pas que).

A L'Obs, la sexologue et formatrice en sexologie et éducation à la sexualité Marie-Line Lassagne, confie d'ailleurs que la chaîne figure parmi ses favorites. Et argumente : "La vidéaste est à l'aise avec le sujet, les croquis qu'elle utilise sont excellents et les références scientifiques sont là. Elle évoque toutes les orientations sexuelles sans catégoriser. Bref, c'est mon coup de coeur". A retenir, donc.

3- La série "Climax"

Climax est d'abord une série éducative sur le plaisir féminin dédiée à tous.te.s, lancée en 2019. Rapidement, elle devient aussi une ressource pour ados curieux en quête de réponses. Et apparaît désormais comme une alternative aux images qui mettent en scène une sexualité violente, irréelle et souvent non consentie qu'on peut trouver dans le X.

Nathalie Giraud Desforges, sexologue et mère de "deux grands garçons", s'extasie en ce sens : "Enfin une éducation sexuelle sur le plaisir féminin qui est explicite, s'inscrit dans son temps et arrête de se voiler la face car nos ados d'aujourd'hui sont curieux, explorateurs et avides de savoir et de voir. Et pour cela ils vont sur Internet. Les livres sont obsolètes, ils ont une culture de l'image et Climax reprend les codes d'aujourd'hui, les adapte pour en faire des épisodes où l'info et l'image sont reines et la sexualité souveraine."

4- Le jeu de société Sexploration

"Sexploration, ce n'est pas un, mais cinq jeux complémentaires, que l'on vend par mallettes", précise la fondatrice Héloïse Pierre quand on lui demande de nous décrire le concept. On y trouve ainsi un "Vrai ou faux" sur les IST composé de 55 cartes illustrées, un Memory et deux posters consacrés aux moyens de contraception, un jeu de rôle sur le consentement, un jeu des privilèges, lui aussi constitué de 55 cartes, et enfin, "C'est pas tabou", dont le principe est de faire deviner un mort en en interdisant d'autres.

"Faire deviner 'cisgenre' sans utiliser 'genre', 'homo' ou 'hétéro' par exemple", détaille-t-elle. "Les ados comprennent ainsi qu'il y a tout un lexique - lié aux identités de genre, à la prévention et aux pratiques sexuelles - qu'ils n'utilisent pas forcément".

A l'origine de Sexploration, une inquiétude face à l'état de l'éducation sexuelle en France : "on aborde la sexualité de façon "clinique" et alarmante", déplore Héloïse Pierre. "Il suffit de demander à un jeune ce qu'il sait de la sexualité, il va vous répondre : le papillomavirus, la contraception, les maladies sexuellement transmissibles, l'herpès... Or la sexualité ne se limite pas à ça !" Et son invention le prouve.

Sexploration, 65 euros le pack complet. Chaque jeu peut être acheté séparément.

5- Le site Les Frangines

"Il est temps que la sexualité ne soit plus uniquement centrée sur les désirs masculins", s'insurgent Les Frangines. C'est donc pour abolir les mythes et rôles de genre qui l'emprisonnent que l'association féministe Osez Le Féminisme ! a mis en place, en février dernier, une plateforme digitales dédiées aux adolescentes. "Grandir en ayant honte de son corps, de ses désirs, de sa sexualité, c'est apprendre à se taire, à se dire qu'on ne vaut pas la peine", fustige l'organisation. "C'est un levier particulièrement puissant de soumission."

Elles proposent un outil d'éducation inclusif à la vie affective et sexuelle destiné aux jeunes filles dès 13 ans, créé par des jeunes femmes qui souhaitent "transmettre leurs réflexions féministes". On en apprend davantage sur ses poils, la fécondation, la contraception, ou encore la différence entre "vulve" et "vagin".

Un lieu digital d'utilité publique, dont les instigatrices lancent avec entrain : "A chacune ses désirs, son plaisir, seule, ou avec le ou la partenaire de son choix !"

Les Frangines, par Osez Le Féminisme !