Mais pourquoi donc l'Université de Greenwich accuse Jane Austen de sexisme ?

Publié le Lundi 06 Février 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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Mais pourquoi donc l'Université de Greenwich accuse Jane Austen de sexisme ?
"Emma", "Orgueil et préjugés", "Persuasion"... On ne compte plus les classiques signés Jane Austen. Mais la légendaire romancière britannique ne semble guère au goût de l'Université de Greenwich qui la taxe de sexiste.
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On la connaît autant pour ses classiques de la littérature britannique que pour les adaptations ciné qui en ont résulté, transpositions luxueuses toutes en dramas et en costumes - et en Keira Knightley aussi. Encore aujourd'hui, l'écrivaine britannique Jane Austen influence largement les artistes, et la pop culture, comme l'a d'ailleurs démontré la dernière adaptation en date : la contestée Persuasion sur Netflix.

Oui mais voilà, la romancière ne réjouit pas tout le monde. Récemment, les responsables de l'Université de Greenwich ont ainsi émis une "alerte", accusant l'autrice de "sexisme". Et ce en visant principalement l'un de ses romans, L'Abbaye de Northanger. Un récit publié posthumément en décembre 1817. Les universitaires accusent l'oeuvre plus que centenaire de véhiculer des "stéréotypes de genre" et de faire la part belle aux "relations toxiques".

Une polémique stérile ?

Les accusations de sexisme à l'encontre de Jane Austen étonnent. Pas simplement parce que celle-ci n'est plus vraiment en forme pour se défendre (Austen est morte en 1817), mais également si l'on pense à la réputation de la romancière : une créatrice d'héroïnes complexes, tourmentées, romantiques, à même de tenir sur leurs épaules des récits entiers.

Une autrice si emblématique d'ailleurs qu'elle passionne encore les jeunes générations. Sur TikTok, Jane Austen est même devenue un phénomène. Les "Booktokeuses" relatent par centaines l'influence qu'ont pu avoir les personnages austeniens sur leur vie, leur rapport à l'amour et aux hommes. "Je suis heureuse de savoir que Jane Austen a un tel pouvoir de perturbation ! C'est très encourageant. J'espère que les étudiants seront amenés à réfléchir sur le passé, la littérature, l'ironie et eux-mêmes", a commenté auprès de The Independent non sans humour la spécialiste de Jane Austen à l'université de Cambridge Janet Todd à propos de cette récente polémique qu'elle juge déplacée.

Pour l'experte, cette "ironie" est importante pour comprendre ce que souhaite réellement exprimer Jane Austen dans L'Abbaye de Northanger, roman d'apprentissage racontant le passage à l'âge adulte d'une jeune femme britannique, étudié à l'université de Greenwich dans le cadre d'un module de littérature gothique. Cette charge pour "sexisme" a également fait réagir le professeur de littérature Dennis Hayes, qui voit en la romancière un "esprit brillant qui offense tout le monde dans ses romans, est la maîtresse de l'offense", relate Le Figaro. Ajoutant : "C'est pour cela que nous aimons son oeuvre. Et que les étudiants l'aiment aussi".

En outre, Jane Austen est régulièrement citée par les militantes féministes. Autrice de l'essai Moi les hommes je les déteste, Pauline Harmange affirmait ainsi au BookClub : "Orgueil et préjugés est un livre qui, à l'adolescence, m'a réconcilié avec quelque chose de compliqué pour moi : devenir une femme. C'est le premier roman que j'ai lu d'une autrice classique dans ma construction de personne féministe et aussi d'écrivaine".