On a lu le nouveau Prix Renaudot des Lycéens : verdict ?
Et si le monde devenait transparent ?
Comprendre : si les murs de nos foyers l'étaient ? Dès lors, tous nos faits aux gestes seraient perceptibles, le lieu de notre intimité deviendrait un espace public, et l'on ne pourrait plus rien cacher. C'est de ce postulat dystopique flippant que se joue Lilia Hassaine dans son dernier livre : Panorama.
Un titre énigmatique pour un livre qui fascine les lecteurs depuis la Rentrée littéraire... Et notamment les plus jeunes. Car Panorama a remporté le 14 novembre dernier le Prix Renaudot des lycéens. L'assurance d'un récit suffisamment captivant et solide pour enchanter un public aussi bien néophyte que féru de bouquins.
Dans ce troisième roman, celle que l'on connaît autant comme journaliste (ex chroniqueuse au sein de l'émission "Quotidien") qu'en tant qu'autrice déploie une passion certaine pour ces oeuvres de science fiction qui donnent à voir un futur technologique très, très proche, et peu synonyme d'optimisme : en lisant ce récit en forme de mise en alerte, on pense aussi bien au 1984 de George Orwell... Qu'à la série Netflix Black Mirror !
Mais que vaut ce Renaudot des lycéens ?
Un roman désenchanté entre sci fi, satire et polar
Les romans de science fiction, ou les histoires convoquant un imaginaire fantasque, ne sont pas de ceux qui courent le plus les rues lors d'une Rentrée littéraire "tradi" chez nous. D'où la curiosité suscitée par la sortie de Panorama et ses maisons de verre, d'autant plus que le projet est ambitieux !
A savoir ? Convoquer mille enjeux actuels : le sacrifice de nos données personnelles aux GAFA, l'exigence d'un partage quotidien de notre intimité, mais aussi la remise en question de la justice institutionnelle. Car Lilia Hassaine, l'espace d'une idée que nous ne dévoilerons pas, aborde frontalement la possibilité d'une justice alternative très "tribunal populaire" - pour reprendre cette expression si galvaudée. Et ses incidences.
Sans apporter de jugement définitif sur ce qu'elle met en scène, l'autrice fait un choix très ludique : celui de relater cet avenir loin d'être si improbable sous l'angle de l'enquête policière. On navigue en plein polar dans ce roman qui nous colle aux basques d'une flic nostalgique de l'ancien temps, qui va devoir faire face à une mystérieuse disparition, tout comme à la confusion de ses sentiments, envers son conjoint et son collègue.
C'est malin comme idée : le caractère du personnage, son passif, son métier aussi, l'érigent en caractère totalement décalé par rapport à son environnement. Protagoniste ne semble ni adaptée à ce système, ni à sa propre fille. Une manière de susciter l'identification certes, mais également de permettre un pas de côté, de laisser de la place au lecteur et à sa propre réflexion.
Panorama nous parle de notre société à travers des thématiques périphériques comme la parentalité, le couple, sans égarer en chemin son intérêt science fictionnel très : "Et si ?...". Si l'on s'interroge sur la moralité de cette histoire, force est de constater que l'on a affaire à un véritable page turner, qui fait écho à des oeuvres pop marquantes (on pense à American Nightmare !) tout en prenant à bras le corps et plutôt malicieusement des réflexions que l'on retrouve trop souvent dans des textes de boomers passéistes - pour rester poli.
Les jeunes lecteurs en tout cas en sont ressortis enthousiastes. Des élèves venus de 16 lycées, dixit France 3, ont ainsi salué "l'accessibilité du roman son vocabulaire et sa fluidité d'écriture". Un sacre qui a enchanté la lauréate du Renaudot des lycéens : "Ça me touche beaucoup, je ne m'y attendais pas".
