Saint-Ouen teste le congé menstruel, et c'est une première en France

Publié le Mardi 28 Mars 2023
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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Pour des pays comme l'Espagne, le congé menstruel est une évidence. Mais pas forcément pour nous. Qu'à cela ne tienne : Saint-Ouen (Seine Saint Denis) a décidé de tester la chose. Et c'est une première en France.
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Et si le congé menstruel était la grande avancée que tout le monde attend ?

La France en tout cas s'impatiente franchement. En 2022, une enquête réalisée par l'IFOP auprès de 993 françaises âgées de 15 ans et plus nous apprenait ainsi que 66% des salariées seraient favorables au congé menstruel en entreprise, et que 64% pourraient y avoir recours si elles en avaient la possibilité. Une information qui n'a pas échappé à la Seine Saint Denis.

Effectivement, la municipalité de Saint-Ouen, située au sein dudit département, a décidé d'être la première en France à tester la chose "à titre d'expérimentation" auprès de 2 000 employées.

Les personnes souffrant de règles douloureuses ou d'endométriose pourront ainsi avoir recours à un congé pouvant s'étendre jusqu'à deux journées par mois. Elles auront également la possibilité d'aménager leur emploi du temps ou de privilégier le télétravail. Un certificat médical attestant de règles douloureuses leur sera cependant nécessaire.

Une "expérimentation" qui compte.

Mais pourquoi c'est important ?

L'an dernier, auprès de l'Ifop toujours, 66% des salariées interrogées estimaient qu'une boîte proposant un tel congé "serait plus attrayante". L'expérimentation de Saint Ouen serait certainement l'occasion de constater les vertus de l'initiative. Karim Bouamrane en tout cas est déjà convaincu de la nécessité de la chose.

"Statistiquement, une agente sur deux subirait des règles douloureuses ou incapacitantes et 10% de l'endométriose. On ne pouvait pas ne pas agir !", a assuré auprès de France Inter le maire socialiste.

"C'est en discutant avec ces agentes que je me suis rendu compte que la moitié d'entre elles souffraient en silence. Un sujet mis de côté", a-t-il poursuivi auprès de l'AFP, se réjouissant que sa municipalité prenne "des décisions fortes" qui représentent "une avancée concrète pour les droits des femmes".

Oui, les règles sont tabou, même en 2023.

Quant à l'endométriose, qui touche une femme sur dix, sa lutte représente un enjeu majeur. En 2022, le président Emmanuel Macron reconnaissait par ailleurs l'endométriose comme "un vrai problème de société" exigeant une stratégie nationale de lutte. C'est pour cela que l'idée du "congé menstruel" semble si pertinente aujourd'hui, et pour ainsi dire plus que jamais.

Début mars, à l'occasion de la Semaine européenne de prévention et d'information sur l'endométriose, un très intéressant sondage IPSOS pour la Fondation Recherche Endométriose nous a d'ailleurs appris que 53% des Français pensent que les entreprises ont un vrai rôle à jouer dans l'accompagnement des femmes atteintes d'endométriose.

Entre autres propositions (formation des managers, aménagement des horaires de travail, recours normalisé au distanciel), 45% des sondés défendaient le besoin d'un congé menstruel.

Cela, l'Espagne l'a déjà compris, en adoptant le 16 février dernier une loi autorisant un congé menstruel aux femmes souffrant de règles douloureuses, directement financée par la Sécurité sociale. En adoptant cette mesure (exigeant également un entretien médical au préalable), l'Espagne est d'ailleurs devenu le premier pays européen à accorder des congés menstruels.

Dans le monde, la Corée du Sud, l'Indonésie, le Japon ou encore la Zambie ont déjà intégré le congé menstruel au sein des droits professionnels. Et la France, comme souvent, s'applique à rattraper son retard...