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Au Ghana, des femmes accusées de sorcellerie sont envoyées dans des camps
Publié le 8 février 2016 à 17:38
Par Jack Parker
Au Ghana, lorsqu'une femme est accusée de sorcellerie, elle est envoyée dans un camp au coeur du village, en compagnie des autres sorcières.
Au Ghana, des femmes accusées de sorcellerie sont envoyées dans des camps Au Ghana, des femmes accusées de sorcellerie sont envoyées dans des camps© Instagram, hannekem
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Avec 96% de ses habitants se déclarant comme croyants, le Ghana est le pays le plus religieux du monde. Bien que majoritairement chrétien, on y trouve également des musulmans et des animistes, notamment. À travers le pays, on peut voir se succéder mosquées, églises et autels sacrificiels païens, parfois dans le même petit village.

Ce que tous ces croyants ont en commun, c'est l'assurance absolue de l'existence des sorcières. Et pour se protéger de leur magie, les Ghanéens ont trouvé une solution : construire des camps dans lesquels on enferme et isole celles qu'on suspecte de sorcellerie.

La journaliste Ioana Epure s'est donc rendue dans la ville de Gambaga, pour visiter l'un de ces camps, et a raconté son expérience sur le site Broadly.

On y apprend tout d'abord que, contrairement à l'image qu'on aurait pu s'en faire, ces camps ne se trouvent pas en bordure mais en plein coeur des villes, et qu'ils ne sont ni gardés, ni entourés de barricades. En réalité, chacun est libre d'y entrer et d'en sortir, et c'est la seule force de la tradition et des croyances populaires qui assure le bon fonctionnement de ces camps.

On y trouve que des femmes, mais pas n'importe lesquelles. Les accusations de sorcellerie touchent principalement les plus âgées et les veuves, qui ne vivent plus sous la protection d'un homme, et celles qui sont mariées à des polygames.

Un habitant de Gambaga explique très justement le rapport avec la polygamie :

"Parfois, un mari prend plus de femmes qu'il n'en est capable et ne peut pas s'occuper d'elles à la même hauteur. Parfois, les femmes ne s'entendent pas entre elles et voient les autres comme des obstacles au bien-être de leurs enfants. Du coup, elles s'accusent de sorcellerie. Si quelqu'un dans le village tombe malade ou s'il arrive une malchance à quelqu'un, ils peuvent accuser leurs ennemies d'avoir utilisé de la magie noire ou une amulette pour provoquer leur malchance."

Il ne suffit pas de grand chose pour se retrouver envoyée dans le camp des sorcières.

Mais il n'y a pas non plus de raison de se sentir en danger lorsqu'on y pénètre : lorsqu'elles entrent dans le camp, le chef du village retire tous leurs pouvoirs aux sorcières et tant qu'elles y vivent, elles ne peuvent faire de mal à personne. C'est aussi lui qui est en charge de déterminer si les femmes accusées sont véritablement des sorcières. Malheureusement, bien qu'elle ait essayé d'obtenir une réponse claire, la journaliste n'a pas réussi à obtenir de détails sur le rituel en question - à part une sombre histoire de jeter de poule, personne n'a voulu lui dire exactement en quoi tout cela consistait et ce qui valait à une femme de rester enfermée dans un camp jusqu'à la fin de ses jours.

Elles n'y sont pas entièrement confinées pour autant. Si leur famille peut entrer dans le camp pour leur rendre visite, il est également possible pour ces femmes d'aller rendre visite à leur famille sur leur territoire, mais elles n'y restent jamais.

Elles ont également le droit de travailler : elles proposent leur aide aux fermiers, vont chercher du bois ou de l'eau... Et c'est le chef du village qui se charge de les nourrir, ainsi que l'Église Presbytérienne. De plus, lorsqu'elles sont bannies, elles prennent généralement leurs enfants avec elles - les petits garçons sont les seuls hommes à pouvoir vivre dans ce camp.

Si le village a un chef, le camp a lui aussi son leader : c'est la plus vieilles des sorcières qui en a la charge.

Mais il reste une lueur d'espoir : si la famille d'une sorcière en fait la demande, elle peut obtenir sa libération et rentrer chez elle. La sentence n'est pas toujours définitive.

Le gouvernement a essayé plusieurs fois de faire cesser cette tradition - un camp a notamment été fermé à Bonyasi en 2014 - mais elle subsiste malgré tout. La superstition et les croyances restent bien ancrées dans les mentalités des Ghanéens, et ces camps représentent pour eux la meilleure des solutions. S'ils n'existaient pas et que les femmes accusées de sorcellerie n'avaient nulle part où aller une fois le verdict tombé, elles s'exposeraient directement à la colère et à la peur des villageois. Dans les camps, elles ont au moins le mérite d'être en sécurité.

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