"Evitez de grossir" : les conseils odieux de la ville de Séoul aux femmes enceintes

Publié le Mardi 12 Janvier 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Les recommandations sexistes aux femmes enceintes coréennes
Les recommandations sexistes aux femmes enceintes coréennes
Sexisme, grossophobie... Le gouvernement de Séoul a particulièrement brillé lors d'un récent communiqué mis en ligne sur son site officiel et spécialement destiné aux femmes enceintes. Des "recommandations" archaïques à souhait.
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La ville de Séoul a eu une idée insolite. Sur le site web gouvernemental, le centre d'information sur la grossesse et l'accouchement est venu prodiguer quelques conseils destinés... aux femmes enceintes. Et ces recommandations se révèlent pour le moins lunaires, comme le rapporte le Guardian : "Achetez un serre-tête pour ne pas avoir l'air trop échevelée après votre accouchement", "Si vous êtes tentée de trop manger ou de ne pas faire d'exercice, jetez un oeil aux vêtements que vous portiez avant d'être enceinte"...

L'idée du gouvernement ? Motiver les femmes enceintes à "conserver leur poids d'origine" et à ne surtout pas en prendre. Mais aussi, s'assurer de la bonne santé de leur foyer. En s'occupant du ménage par exemple. Mais aussi, en préparant plusieurs petits plats prêts à être réchauffés à leurs maris, "qui ne sont pas habitués à cuisiner", nous dit-on. Un dernier conseil ? Leur laisser des vêtements de rechange. Non non, ceci n'est pas une blague.

A la lecture de ces lignes qui ont tout de la satire du sexisme ordinaire, on se demande s'il vaut mieux rire ou pleurer. Lecteurs et lectrices semblent avoir fait leur choix : "Ravie de voir d'aussi bons conseils éclairés et progressistes ... sérieusement ? Dans quelle décennie sommes-nous ? Les années cinquante ?", "Peut-être que le gouvernement voulait améliorer les 'qualités féminines' dans une société aussi virile que l'âge de pierre ?", "Si le gouvernement de la ville de Séoul ne s'est pas rendu compte que ces citations étaient problématiques, alors l'état d'esprit misogyne y est bien pire que ce que j'imaginais", peut-on ainsi lire en commentaires.

De belles pépites sexistes

Un vrai fiasco donc, auquel a finalement réagit le gouvernement lui-même. En supprimant ces quelques lignes, déjà, puis en s'exprimant l'espace d'un communiqué, ensuite. Communiqué au sein duquel ledit gouvernement précise avoir directement recopié les conseils d'un site géré... par le ministère de la Santé. Ce qui n'est vraiment pas plus rassurant. D'autant plus lorsque l'on sait que les conseils en question ont été supervisés par la Société coréenne d'obstétrique et de gynécologie.

On s'en doute, ce mea culpa n'a pas plus apaisé les médias nationaux. A l'instar du Korea Herald, qui tacle volontiers les "tips sexistes" du gouvernement.

En 2018, nous rappelle encore le Guardian, le gouvernement sud-coréen suggérait déjà aux lycéennes de "se concentrer sur leur apparence" et aux lycéens "de se concentrer sur leurs capacités financières". On comprend alors mieux ce besoin de décocher aux femmes enceintes mille et une sortes d'injonctions - comme conserver leur taille et "coquetterie" après l'accouchement, être de bonnes mères pour leur enfant, mais aussi pour leur époux, à qui il faudrait préparer vêtements repassés et bons petits plats...

"Il ne devrait pas incomber aux citoyens et citoyennes d'éduquer leur propre gouvernement, mais c'est exactement ce que les habitants de la Corée du Sud doivent faire en ce moment. Je suis très fière et reconnaissante envers les personnes qui ont dénoncé toutes ces directives", fustige à raison le compte Twitter de Get Ovary It (jeu de mots entre "Ovaires" et "en avoir marre"), lequel dénonce régulièrement ce genre de pépites sexistes.

Eduquer les mecs, éduquer le gouvernement... La route est encore longue pour que cesse la stigmatisation systématique des femmes enceintes, sources perpétuelles de jugements et de remarques déplacées.