La Star Academy rattrapée par ses vieux dossiers sexistes, grossophobes et homophobes

Publié le Mardi 18 Octobre 2022
Maïlis Rey-Bethbeder
Par Maïlis Rey-Bethbeder Rédactrice
Maïlis Rey-Bethbeder aime écrire, le café, traîner sur les réseaux sociaux et écouter de la musique. Sa mission : mettre en lumière les profils, les engagements et les débats qui agitent notre société.
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Homophobie, grossophobie, sexisme... Les premières éditions de la Star Academy, lancée en 2001, regorgeaient de pépites aujourd'hui indiffusables.
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La mythique émission de TF1, qui mêle chant et téléréalité, a fait son grand retour ce 15 octobre, pour le plus grand plaisir des trentenaires nostalgiques. Alors que la Star Ac a connu un énorme succès au début des années 2000 (la première édition a eu lieu en 2001), la nouvelle formule était scrutée de près. Recycler ce qui avait fait sa popularité tout en évitant les erreurs du passé, voilà l'enjeu. Et pas des moindres.

Car si certains épisodes du télécrochet sont peut-être flous dans vos souvenirs, sachez qu'ils présentaient un cocktail peu réjouissant mêlant sexisme, grossophobie ou encore homophobie.

Jenifer, la grande gagnante de la saison 1, en avait fait les frais dès ses tous premiers pas dans l'émission. "1m58, 48 kg, 90C" : voici la manière dont elle était présentée.

Que gagne-t-on à connaître les mensurations d'une jeune femme de 18 ans qui rêve de devenir chanteuse ? Cela peut-il avoir une incidence sur sa manière de chanter ? Non. Et cette présentation, digne de celles des plus belles bêtes exposées au Salon de l'agriculture, ne date pas des années 50, mais bien d'il y a environ 20 ans...

Jenifer avait affirmé en interview pour Quotidien, en 2018, avoir menti sur son poids. La jeune femme se soumettait déjà elle-même à des injonctions sexistes.

"90C ! (...) le bonnet, il était même plus costaud ! Ouais, révélation ! (...) C'est honteux ! Pourquoi spécifier le bonnet ?", s'était-elle indignée sur le plateau de Yann Barthès face aux images d'archives.

"C'est pour les péd*s, la danse"

D'autres séquences de l'émission, où l'on voit des phrases prononcées par les candidats eux-mêmes, sont tout aussi problématiques. Par exemple, Jean-Pascal, candidat de la première édition de la Star Academy, s'exclame en 2001 : "C'est pour les péd*s, la danse. C'est pour les tarlouzes du cul, la danse. J'suis pas péd* du cul, moi". Une phrase qui rapporterait beaucoup de points au bingo du sexisme et de l'homophobie...

Et il n'est pas le seul candidat à tenir des propos discriminatoires. D'autres jeunes hommes "s'inquiétaient" régulièrement à l'écran de ne pas paraître trop "péd*s" avec leurs tenues. Une banalisation de l'homophobie pure et simple, comme le souligne L'Obs qui a étudié les premiers épisodes de l'émission.

Par ailleurs, la Star Ac a toujours mis l'accent sur la bonne condition physique des candidat·e·s. En 2022 encore, un professeur de sport officie au château. Si l'on peut comprendre l'importance de rester en forme pour les académicien·ne·s, on reste atterré face aux remarques grossophobes débitées au cours des éditions de l'émission. Les élèves étaient pesé·e·s un par un devant leur camarades, et rabroués s'ils avaient pris du poids. La productrice de l'émission de l'époque, Alexia Laroche-Joubert, tançait même l'une des candidates en public : "Tu as pris six kilos, c'est énorme, c'est même aberrant."

Une culture du viol ambiante

Evidemment, le sexisme n'est pas en reste. On encourage ainsi Jenifer, 18 ans, à adopter des poses extrêmement suggestives lorsqu'elle interprète le titre Harley Davidson lors d'un direct, et le caméraman ne se prive pas de filmer les réactions de Jean-Pascal, avec qui la candidate a une amourette à l'époque. La jeune femme est alors exhibée comme une femme-trophée.

Le fameux Jean-Pascal sera également l'auteur du très distingué : "Je kiffe ton string sérieux Jenifer. Je le trouve trop beau, blanc, en lycra tout simple, trop beau. Je te boufferais le string plus que ton cul honnêtement."

Dans une vidéo "souvenir" compilée par L'Obs, on peut également voir le présentateur Nikos Aliagas couper la candidate Olivia Ruiz en plein direct en lui demandant si elle va embrasser son fiancé. Un bel exemple de manterrupting. La jeune chanteuse sera l'une des rares à le recadrer en lui demandant de la laisser parler.

Face à ces dossiers pour le moins problématiques, la production de l'édition 2022 assure être vigilante et veiller au grain afin d'éviter tout dérapage. "Les choses ont évolué en vingt ans et on suivra l'évolution des choses. On sera en phase avec notre société. Certaines choses ne se disent plus d'office aujourd'hui. Et de notre côté, on sera vigilants s'il doit y avoir un débordement sur le canal en direct et encore plus dans la quotidienne qui sera montée", a ainsi déclaré le producteur Mathieu Vergne lors de la conférence de presse de l'émission, rapporte Télé Loisirs. On espère.