C'est quoi cette "clause Roméo et Juliette" censée protéger les amours d'ados ?

Publié le Mercredi 17 Mars 2021
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Eric Dupond-Moretti, ministre de la justice, garde des Sceaux, à l'Assemblée Nationale, le 16 mars 2021.
Eric Dupond-Moretti, ministre de la justice, garde des Sceaux, à l'Assemblée Nationale, le 16 mars 2021.
La clause "Roméo et Juliette", qu'est-ce que c'est ? Une circonstance formulée dans la loi fixant l'âge du consentement sexuel à 15 ans qui vient d'être votée par le député·e·s. Une clause qui fait débat.
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Parmi les débats qui gravitent autour de la culture littéraire, il y en a un qui ne se démode pas : interroger le romantisme de Roméo et Juliette, en se questionnant notamment sur la différence d'âge des deux tourtereaux. Ainsi est-il rappelé que Juliette n'a que treize ans, et que Roméo serait son aîné de plus ou moins cinq ans. C'est justement de ce cas emblématique qu'est né un intitulé : la clause Roméo et Juliette.

La clause Roméo et Juliette, c'est cette exception à la règle dans le texte de loi fixant l'âge du consentement sexuel à 15 ans que viennent de voter les député·e·s ce 15 mars. Ce texte condamne automatiquement tout acte de pénétration sexuelle commis sur un mineur de 15 ans et moins.

Or, selon cette exception dite de "Roméo et Juliette", le non-consentement ne serait pas établi d'office si ledit ou ladite mineure entretient une relation amoureuse avec un jeune adulte de cinq ans son aîné. Cinq ans, un chiffre censé prendre en considération le passage de l'adolescence à l'âge adulte.

Cette clause a été maintenue par la majorité des député·e·s à l'Assemblée nationale. Mais elle suscite les plus vives discussions.

Une clause qui fait polémique

"Je ne pense pas que quand on a 13 ans et qu'on se fait racoler par des plus âgés on a tout le discernement nécessaire", s'indigne par exemple Florence Provendier, députée de La République en Marche. "Une enfant de 13 devra donc faire la preuve d'abus ou de pression si son violeur a moins de 5 ans de plus qu'elle. C'est de l'impunité organisée. Que faut il faire pour qu'ils nous entendent ?", proteste à l'unisson Geneviève Garrigos, élue conseillère de Paris.

Cependant, le garde des Sceaux Eric Dupond-Moretti n'en démord pas. "Je tiens à cette clause parce que je connais un peu la vie, que j'ai eu des enfants, que la vie c'est que parfois une jeune femme, très jeune, de 14 ans et demi, a une relation sexuelle consentie avec un jeune homme", explique-t-il sur BFMTV. "Parfois, je l'ai vu dans mon expérience professionnelle, ce sont les parents qui déposent plainte alors que cette plainte n'est pas fondée".

Pour le ministre de la Justice, cet écart d'âge de cinq ans pose la question du non-consentement d'office. "Quand il y a une faible différence d'âge, on peut discuter de l'existence d'un consentement", énonce-t-il. En effet, la clause "Roméo et Juliette" n'empêcherait pas de poursuivre en justice des conjoints et agresseurs présumés pour des viols ou agressions sexuelles, même si l'écart d'âge est inférieur à cinq ans.

Cependant, les explications d'Eric Dupond-Moretti laissent bien des voix perplexes. Comme celle de la chroniqueuse politique Rose Ameziane, qui conteste : "Non, Monsieur le ministre, on n'est pas 'une jeune femme à 14 ans', on est une enfant. Le risque avec cette clause faussement romantique, c'est qu'elle protège des jeunes agresseurs".

On le devine, c'est également l'intitulé de cette clause qui est critiqué, accusée de "romantiser" le sujet du consentement - ou de son absence. Un débat qui n'a pas fini de se poursuivre.