Les tenues blanches pénalisent-elles les joueuses de tennis ?

Publié le Mardi 05 Juillet 2022
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
La parole se libère de plus en plus autour du tabou des règles dans le sport. Et alors que le tournoi de Wimbledon vient de débuter, le dress-code blanc fait débat : et s'il pénalisait les joueuses de tennis, stressées à l'idée d'avoir des "fuites" ?
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Les langues se délient autour d'un tabou pourtant persistant : les règles dans le milieu du sport. Ainsi, la joueuse de tennis britannique Alicia Barnett, actuellement en compétition au tournoi de Wimbledon, a brisé un non-dit lors d'une interview auprès de l'agence de presse PA, comme le rapporte Sky News.

"Pendant les pré-qualifications, j'avais mes règles et les premiers jours ont été très lourds, j'étais un peu stressée à ce sujet. Je pense qu'avoir ses règles sur le circuit est déjà assez difficile, mais porter du blanc n'aide pas."

La championne de 28 ans, qui a fait ses débuts dans le tournoi vendredi (1er juillet) avec une victoire au premier tour du double mixte aux côtés de son compatriote Jonny O'Mara, a ensuite éliminé Venus Williams et le Britannique Jamie Murray lors d'un match palpitant au deuxième tour.

Evoquant l'impact des menstruations sur son jeu, la jeune femme a expliqué : "Votre corps se sent plus lâche, vos tendons se relâchent, parfois vous vous sentez beaucoup plus fatiguée et votre coordination est plus difficile. Moi, je me sens vraiment déprimée et il est difficile de trouver la motivation nécessaire pour jouer."

Interrogée sur le dress-code blanc, incontournable depuis la création du tournoi britannique en 1877, Alicia Barnett estime que "certaines traditions pourraient être modifiées". Selon elle, le sujet des règles des sportives se doit d'être au coeur du débat : "Je suis une grande défenseure des droits des femmes et je pense que cette discussion est tout simplement incroyable, il faut que les gens en parlent maintenant."

Doit-on bannir les tenues blanches à Wimbledon ? Ici, Heather Watson
Doit-on bannir les tenues blanches à Wimbledon ? Ici, Heather Watson

Un "stress mental"

En effet, de plus en plus de championnes osent libérer la parole autour du tabou menstruel. Récemment, la joueuse de tennis chinoise Qinwen Zheng avait confié qu'elle n'avait pas été au top de sa forme lors du 8e de finale à Roland-Garros face à la Polonaise Iga Swiatek à cause de douleurs menstruelles.

"Le premier jour, c'est toujours dur. Mais je dois jouer avec cette grosse douleur du premier jour. Je ne peux pas aller contre ma nature", avait-elle déclaré, ajoutant : "J'aimerais être un homme sur le court dans ce genre de moments. Je n'aurais pas à souffrir de ça."

Dans un récent tweet largement liké, la médaillée d'or olympique portoricaine Mónica Puig insistait elle aussi sur le stress inhérent au dress-code immaculé pendant ses menstruations. "C'est certainement quelque chose qui touche les athlètes féminines ! Il faut le porter enfin à l'attention de tous. Sans parler du stress mental de devoir porter du blanc à Wimbledon et de prier pour ne pas avoir ses règles pendant ces deux semaines."

Des propos appuyés par la joueuse britannique Heather Watson lors d'une interview à BBC Sport repérée par Slate. La sportive fut l'une des premières à briser ce tabou dès 2015. Selon elle, jouer en blanc est "une expérience particulière", une tradition qu'elle ne souhaiterait pas bousculer. "Mon seul stress", pondère-t-elle, "c'est d'avoir mes règles, mais je planifie mes règles en fonction de cela", mentionnant ces fameux ballonnements, crampes et fatigue qui affectent son jeu.

Une toute récente enquête de la marque Intimina avec Censuwide auprès d'un échantillon de 1 000 sportives françaises (professionnelles et amatrices) sur le rapport entre le sport et leurs menstruations révèle que 61 % des femmes ont déjà manqué une activité sportive à cause de leurs règles. 51 % des personnes interrogées ont confié craindre les fuites et 70 % d'entre elles ressentent des crampes abdominales importantes pendant leurs menstruations.

Entreprendre d'ouvrir le débat autour des règles dans le sport relève donc d'une démarche nécessaire afin de détabouiser un phénomène qui impacte les performances et alourdit la charge mentale des femmes.