Pour ou contre le droit de vote dès 16 ans aux élections municipales ?

Publié le Lundi 30 Septembre 2013
Pour ou contre le droit de vote dès 16 ans aux élections municipales ?
Pour ou contre le droit de vote dès 16 ans aux élections municipales ?
Le débat est relancé. Mardi, la ministre déléguée à la Famille, Dominique Bertinotti, a évoqué l'idée d'un statut de « pré-majorité » pour les jeunes à partir de 16 ans. Celui-ci leur accorderait de nouveaux droits et notamment celui de voter aux élections municipales. Deux spécialistes des adolescents nous ont donné leur point de vue sur cette proposition.
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Pour : Béatrice Copper-Royer, psychologue et psychothérapeute spécialiste de l'enfance et de l'adolescence

C’est une bonne idée je trouve, bien sûr il faut voir de quelle façon cela sera appliqué mais selon moi, c’est une proposition cohérente avec la situation actuelle. En donnant une « pré-majorité » aux adolescents, il ne s’agit évidemment pas de les précipiter vers l’âge adulte, mais au contraire de leur offrir une période de transition, de réflexion autour de leurs responsabilités futures. Il y a actuellement une véritable incohérence entre la liberté que l’on laisse aux adolescents, qui jouent de plus en plus « aux grands » et qui, pourtant, lorsqu’il s’agit de prendre de vraies responsabilités, reculent. Cette « pré-majorité » peut-être l’occasion pour les parents, les enseignants et l’ensemble des adultes de créer un dialogue autour de ces questions, une discussion intra-générationnelle qui actuellement fait défaut. Dans les faits, les adolescents sont très libres, mais on ne leur demande pas leur avis sur les sujets importants. Et personnellement, j’estime que pour réfléchir à ses droits ou ses devoirs, il faut en avoir un minimum. D’autant qu’on leur propose de réfléchir à des sujets « concernants » comme celui des élections locales... Par ailleurs, il ne faut pas oublier qu’à 16 ans, un adolescent est déjà très responsabilisé sur plusieurs sujets et notamment sur le plan pénal. Enfin, c’est aussi pour moi une façon d’aider les parents qui ont de plus en plus de difficultés à « lâcher » leurs enfants. Mais tout cela n’a évidemment d’intérêt que si cette « pré-majorité » engage une réflexion entre les adultes et les plus jeunes…

Contre : Stéphane Clerget, pédopsychiatre spécialiste de l’adolescence

C’est une absurdité de vouloir baissé la majorité à 16 ans. C’est même assez grave. C’est une façon de se libérer des problèmes de la jeunesse en responsabilisant les adolescents. Or, à 16 ans, ils ne sont pas matures. Le développement physique, affectif, cognitif et intellectuel n’est clairement pas terminé. Et avec la vie qui s’allonge, cette période, pendant laquelle on apprend à répondre de ses actes, tend à s’allonger. Quant à imaginer une période de « pré-majorité », c’est totalement inutile. Il ne faut pas avoir peur des limites, des barrières, d’autant que la destruction de celles-ci serait un véritable coup porté à la parentalité. Avec de nouveaux droits, les parents se retrouveraient impuissants face à leur enfant, qui, lui, pourrait avoir tendance à prendre plus de risques. Mais surtout, il n’y a vraiment aucun besoin : ce temps d’attente vers la majorité est une période pendant laquelle les enfants se préparent à l’âge adulte. Leur donner des droits est un vrai piège car c’est leur incomber une charge qu’ils ne sont pas capables d’assumer : notamment le vote. À 18 ans, déjà, ils n’ont souvent pas encore développé leur conscience collective. Et ce n’est pas en jetant un enfant dans l’eau qu’il apprend à nager, il faut le former, il faut l’y préparer. Quant à l’argument qui consiste à dire que certains adolescents travaillent, ont des devoirs et devraient donc avoir des droits, il est absurde. Le travail des mineurs est protégé et extrêmement contraignant pour les entreprises et il doit le rester. Et surtout enfin, l’Etat n’a pas à se substituer au travail des parents dans l’éducation vers l’âge adulte. Mais doit plutôt tout faire pour permettre aux parents d’être plus présent auprès de leurs enfants, en défendant par exemple la garde alternée.

À voir : À l'Homme qui m'a donné envie de Stéphane Clerget, Théâtre Clavel (Paris XIXe)

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