Comment l'État islamique a mis au point une "théologie du viol"

Publié le Lundi 17 Août 2015
Marie Chaumière
Par Marie Chaumière Journaliste
Des réfugiés yézidis
Des réfugiés yézidis
Dans un reportage glaçant, le "New York Times" détaille la manière dont l'État islamique a développé toute une théologie destinée à justifier le viol des femmes réduites en esclavage dans les régions d'Irak et de Syrie conquises par l'organisation.
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"Chaque fois qu'il venait me violer, il priait. Il ne cessait de me dire que c'était 'ibadah'", raconte F., une jeune fille de 15 ans capturée il y a un an et vendue à un combattant irakien au New York Times. Issu des écritures religieuses, "ibadah" veut dire "culte". Comme d'autres personnes qui ont été interviewées pour le bien de ce reportage, cette adolescente a souhaité être identifiée seulement par son initiale pour éviter d'être stigmatisée.

Cette déclaration résume à elle seule le long reportage édifiant que la journaliste Rukmini Callimachi a consacré à la manière dont l'État islamique a fait du viol non seulement une arme de guerre, mais également un angle d'interprétation de l'Islam très codifié destiné à recruter de nouveaux combattants.

"Le viol systématique des femmes et des filles de la minorité religieuse yézidie est devenu intrinsèque à l'organisation et à la théologie radicale de l'État islamique depuis que l'organisation a annoncé cette année qu'elle relançait l'esclavage comme institution. Des entretiens avec 21 femmes et jeunes filles yézidies ayant récemment échappé à l'État islamique, de même qu'un examen attentif des communiqués officiels du groupe, montrent à quel point cette pratique est inscrite dans les principes fondamentaux de l'organisation", écrit en effet Rukmini Callimachi.

L'an dernier, 5 270 yézidis ont été enlevés, dont 3 144 sont encore retenus prisonniers. L'État islamique a développé une bureaucratie détaillée de l'esclavage sexuel afin de gérer les femmes et les adolescentes captives. Celles-ci sont transportées vers plusieurs destinations en Irak et en Syrie, puis vendues comme esclaves sexuelles. Les transactions font même l'objet d'acte notariés délivrés par des cours islamiques aux mains de Daech.

Comme le précise la journaliste, le viol est devenu pour l'État islamique un moyen d'attirer des hommes issus de communautés très conservatrices qui interdisent le sexe en dehors des liens du mariage. Intégré à la doctrine de la religion, il est même qualifié de "spirituellement bénéfique" et de "vertueux".