10 trucs du quotidien géniaux inventés par des femmes

Publié le Mercredi 19 Août 2020
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
Mary Beatrice Davidson Kenner, une inventrice remarquable.
Mary Beatrice Davidson Kenner, une inventrice remarquable.
Qu'il s'agisse de notre chambre à coucher, de notre cuisine ou encore de notre voiture, notre quotidien déborde de créations inventées par des femmes, ingénieuses, brillantes et encore trop peu célébrées. On vous le démontre par dix.
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Connaissez-vous l'effet Matilda ? C'est ainsi que l'on désigne la minimisation ou la négligence chronique (et historique) du rôle des femmes dans les découvertes scientifiques. En somme, pour une Ada Lovelace ou une Marie Curie, combien de génies encore trop méconnues ? Le pire, c'est que l'on a parfois l'impression que ce malheureux phénomène vaut pour tous les domaines d'innovations, de recherches et de révolutions.

Car combien de noms d'inventrices renommées pouvez-vous au juste citer, comme ça, de mémoire ? Réponse, pas assez ! Et pourtant, elles abondent, les créations qui doivent tout à des femmes. Il suffit juste de regarder autour de vous : il y a fort à parier qu'au moins un si ce n'est deux ou trois objets de votre environnement ont été pensés par des inventrices. Vous n'êtes toujours pas convaincu·e ? Cet éventail de choses du quotidien imaginées par des femmes devrait vous mettre la puce à l'oreille.

Petit panorama.

Les serviettes hygiéniques

En 2020 encore, les règles sont un tabou. Il suffit d'évoquer le sujet au détour d'une conversation pour s'en convaincre. Et pourtant, bien des femmes ont pris à bras le corps le sujet. C'est le cas de l'Afro-Américaine Mary Beatrice Davidson Kenner, née en 1912 en Caroline du Nord. En 1956, à une époque où les tampons se passaient encore sous le manteau, la quadragénaire révolutionne le petit monde de la santé féminine en posant les bases des actuelles serviettes hygiéniques, réponse nette à la précarité menstruelle (un souci toujours d'actu hélas).

Plus précisément, Mary Beatrice Davidson Kenner proposait aux femmes des ceintures ajustables dotées de poches, contenant elles-mêmes des serviettes. Un système aussi appelé "ceinture hygiénique", et qui permettait d'assurer l'étanchéité des produits à l'humidité. Un coup d'éclat solidaire.

L'aquarium

Cocorico : Jeanne Villepreux-Power est une inventrice française, native de Corrèze plus précisément. La communauté savante n'a pas oublié le nom de cette académicienne autodidacte qui, en plein milieu du dix-neuvième siècle, brille par son érudition de naturaliste et de biologiste.

Ses passions et champs de recherches ? La biologie marine et l'océanographie, pour ne citer que cela. Et c'est pour ces raisons qu'en 1832, cette pionnière invente un drôle de cage de verre lui permettant d'étudier plus précisément les organismes qui peuplent les eaux : l'aquarium est né. Sa banalisation au sein des laboratoires (et ailleurs) ne sera dès lors qu'une question d'années.

Le GPS

Global Positioning System. Vous connaissiez peut-être la signification des initiales GPS (bravo si tel est le cas), mais connaissez-vous son inventrice ? Née en 1930 en Virginie, la mathématicienne Gladys Mae West a tout fait dans sa vie - professeure de mathématiques, universitaire brillante, astronome érudite, mathématicienne et informaticienne alerte au service de l'armée américaine et de ses bases navales...

C'est l'une de ses missions gouvernementales (collecter les données à partir des satellites) et ses qualités de programmatrice qui vont l'inciter à mettre au point au cours des années 70 le IBM 7030. A savoir ? Un ordinateur dont les calculs puissants vont poser les bases du système de positionnement satellitaire actuellement connu sous le nom de "GPS", donc. Chapeau bas.

Les couches jetables

D'aucuns disent que les parents du monde entier lui sont redevables, et on comprend aisément pourquoi. Durant la seconde moitié des années 40, la mère de famille américaine Marion Donovan trouve (enfin) une alternative bienvenue aux bonnes vieilles couches lavables en tissu, dont elle constate depuis trop longtemps déjà les limites. En imaginant une sorte de housse imperméable qui se referme à l'aide de boutons en plastique, elle fait entrer le marché de l'hygiène pour bébés dans l'ère de la modernité : la couche jetable débarque, et sera vite brevetée. Et plus encore, rachetée, dès 1951, pour une somme peu négligeable - un million de dollars.

Diplômée d'architecture à la prestigieuse université de Yale, rédactrice pour les tout aussi renommés magazines de mode Harper's Bazaar et Vogue, auto-entrepreneuse dans l'âme (elle n'a pas hésité à ouvrir sa propre boutique pour vendre ses produits), business-woman new-yorkaise jamais à court d'idées... Par-delà l'attrait peu sexy des couches-culottes, l'existence mouvementée de Marion Donovan a tout d'un film, tendance success story.

L'appel en attente

Voilà une autre invention technologique insolite pensée par une femme, après le GPS (et tant d'autres). Physicienne (précisément spécialisée en physique nucléaire) et doctorante afro-américaine de renom, Shirley Ann Jackson marque l'histoire contemporaine en apportant au domaine des télécommunications deux belles avancées : la possibilité d'associer nom et numéro entrant, et celle de mettre l'appel en attente. Nous sommes alors dans les années 70 et ces innovations sont révolutionnaires. Mais Shirley Ann Jackson ne s'arrêtera pas là, puisque ses recherches influentes aboutiront également à l'apparition du télécopieur portable.

Aujourd'hui âgée de 74 ans, Shirley Ann Jackson est présentée par le Time Magazine comme "un role-model ultime pour les femmes dans le domaine des sciences". Celle qui au gré des décennies a occupé de nombreux postes de pouvoir au sein des universités et de l'industrie a finalement été sacrée par Barack Obama himself. Une distinction nationale afin de récompenser "l'esprit et l'ingéniosité américains".

Les essuie-glaces

Les constructeurs la disent pionnière de la sécurité routière, et pour cause. En 1903, suite à un voyage en tramway passé sous une pluie de grêle, la propriétaire de ranch Mary Anderson s'interroge sur la possibilité de nettoyer les vitres extérieures d'un véhicule, mais de l'intérieur - l'idéal quand les conditions climatiques sont peu favorables. Rapidement, elle précise sa pensée et imagine aux côtés d'une entreprise locale d'Alabama un léger levier en caoutchouc manipulable manuellement, permettant d'actionner des bras à ressort sur les pare-brises des voitures.

Ce faisant, cette viticultrice ajoute une nouvelle pierre à l'édifice encore en pleine gestation de l'automobile. Une démarche presque trop avant-gardiste cependant : comme le rappelle le blog Amazing Women in History, il faudra encore attendre la banalisation de ces véhicules dans l'Amérique des années 50, soit un demi-siècle après le coup de génie de Mary Anderson, pour que l'essuie-glaces devienne un inconditionnel de l'industrie.

Le lave-vaisselle

Voici une énième machine dont bien des foyers auraient du mal à se passer aujourd'hui : le lave-vaisselle, soit l'inspiration heureuse de Josephine Cochrane. L'image que l'on conserve de cette instigatrice ne manque pas de sel. Femme aisée et fille d'ingénieur, cette maîtresse de maison préfère laver elle-même ses précieux services en porcelaine plutôt que de les confier à d'autres mains. Un manque de confiance certain envers ses domestiques. Mais, par manque de temps, Cochrane se demande finalement si une machine ne pourra pas le faire à sa place.

Constitué de compartiments spécialement pensés pour soutenir ses précieux services, lavés à grands renforts d'eau savonneuse bien chaude, laquelle est éjectée à l'aide d'une roue motorisée, le premier lave-vaisselle breveté investit l'Exposition universelle de Chicago dès la fin du 19e siècle. Verdict ? Après avoir mis en place son premier atelier, Josephine Cochrane finira carrément par fonder sa propre entreprise. De la suite dans les idées.

Le filtre à café

Vous qui lisez ces lignes, peut-être venez-vous (ou allez-vous) manipuler cette invention. Il est ici question d'un grand nom dans son domaine : Melitta Bentz. Oui, "Melitta", comme la marque éponyme de machines à café. Ce n'est pourtant pas une machine qu'a créé cette mère au foyer allemande, mais les filtres qui l'accompagnent.

Lassée de voir la qualité de son café matinal mise à mal par les résidus de marc qui viennent noircir le fond de sa tasse, Melitta Bentz imagine en 1908 une disposition minutieuse de bouts de papier buvard permettant justement de retenir ces dépôts malheureux. Il fallait y penser. Cette initiative multimédaillée - et multivendue au gré des foires nationales - la poussera même à lancer sa propre entreprise. Une vraie working girl.

La planche à repasser

 

De nouveau, un nom à l'influence mondiale indéniable, et pourtant encore trop méconnu : celui de Sarah Boone. Native de Caroline du Nord, cette couturière afro-américaine (et ancienne esclave) a bouleversé la vie des femmes en imaginant "un appareil bon marché, simple, pratique et très efficace, particulièrement adapté pour être utilisé pour le repassage des manches des vêtements pour femmes" - pour reprendre ses propres mots. Autrement dit, la planche à repasser.

L'observation à l'origine de l'innovation ? Les traditionnelles planches en bois employées à cet effet ne permettaient pas de s'occuper correctement des subtilités des robes (contours, manches, largeurs) sans froisser celles-ci. Brevetée en 1892, la planche à repasser est donc également (et avant tout) une pure invention de couturière.

Le Monopoly

 

Le cas de la brillante conceptrice de jeux Elizabeth Magie est d'école. Entendez par là qu'un homme lui a volé son invention : tel que le relate la BBC, on attribue volontiers la paternité du célèbre "Monopoly" à l'américain Charles Darrow. Mais non. Car le jeu de Charles Darrow n'est qu'une copie de "The Landlord's game" (1904), ancêtre et influence trop négligée du best-seller capitaliste, et création de la fameuse Elizabeth Magie.

Et son intention, elle aussi, était révolutionnaire. Avec sa création grand public, Magie ne souhaitait pas glorifier le pouvoir du billet vert mais dénoncer les dérives du capitalisme et l'oppression financière des locataires. Ironie du sort, c'est sa propre propriété (celle de son jeu) qui se verra bafouée.