Sabrina Carpenter et Sydney Sweeney en font-elles "trop" ?
Voilà le grand débat qui secoue les réseaux sociaux en ce moment.
D'un côté, un phénomène pop au talent musical déjà indéniable depuis des années mais qui a vraiment éclaté avec le mégasuccès de son dernier album - en attendant son prochain qui devrait bousculer les charts fin août. Son tube Expresso, ses performances spectaculaires sur scène (jusqu'à Bercy), son humour singulier et référentiel qui incite à ne pas tout prendre au premier degré : Sabrina Carpenter est un personnage. Unique, il faut l'avouer.
A l'instar de Sydney Sweeney, révélation fracassante de la série trash Euphoria devenue de ses séries à ses films une des figures les plus influentes de sa génération : actrice s'épanouissant autant dans l'horreur (Immaculée) que dans la rom com (Tout sauf toi) ou le cinéma d'auteur (Reality, stupéfiant), productrice soucieuse de faire entendre ses choix d'artiste, égérie fashion, influenceuse...












Deux grands talents de la même génération (elles sont vingtenaires) qui cependant suscitent de plus en plus de controverses acidulées non seulement auprès des spectateurs, mais dans la presse culturelle, et militante. Toutes deux pour les mêmes raisons. A savoir ? Leur sexualité décomplexée. Et surtout, leur hyper sexualisation, permanente et forcément clivante.
Dimension naturellement sulfureuse qui ces derniers jours vire à la controverse absolue et indigne autant les machos infréquentables... Que les féministes. Oui oui.
On vous raconte tout point par point...
Sabrina Carpenter et Sydney Sweeney scandalisent.
La première a dévoilé la pochette de son futur album à paraître cet été. A genoux, elle fait face à un homme, qui lui tient les cheveux, comme on tiendrait une laisse. Le titre de l'opus appuie cette analogie : "Best Man's Friend". Le meilleur ami de l'homme. Volontairement provoc', la trouvaille ironique de la chanteuse génère d'exacerbées réactions.
"C'est une super mauvaise idée cette pochette", "C'est du male gaze par excellence, libidineux à souhait", "Elle fait l'apologie de la femme objet", "C'est dégradant", d'aucuns prétendent que l'artiste compare les femmes à "des chiennes".
Et beaucoup mettent en liaison ce geste artistique à celui de Sydney Sweeney. Qui récemment, s'est targuée joyeusement sur ses réseaux sociaux de... Vendre l'eau de son bain. Embrassant volontiers, selon ses détracteurs, le concept sexiste de la "femme objet" qui tant d'années durant a régné au sein de la publicité. Beaucoup voient en cela une initiative "à la OnlyFans", gratuitement sexualisante.
Et si on prenait à bras le corps ce scandale ? Et ses limites ?


Sabrina Carpenter et Sydney Sweeney, ce sont deux visions du féminisme, et de la sexualité au féminin. Nourries de contradictions et de paradoxes, sans que cela cependant ne rendent leurs trajectoires et leurs discours réellement contre productifs.
Lors de ses photoshoot audacieux et ces tournées d'autant plus stylées, Sabrina Carpenter revendique un rôle de pin up des temps modernes, libérée, indépendante et soucieuse de son propre désir. Cela se constate face à la garde robe foisonnante qu'elle valorise sur scène : lingerie très chic, bas résilles, dentelles fines noires ou d'un rouge flamboyant.
Lorsque se joue son morceau "Juno", elle mime une position sexuelle - une différente à chaque concert. Et ne craint jamais de parler de ce sujet intime dans ses entretiens. Toujours en se réappropriant des thèmes trop longtemps censurés. A l'unisson des créatrices de contenus, influenceuses et militantes qui font du plaisir au féminin un combat politique contre la censure.
Lorsque des internautes mal lunés s'offusquent de sa liberté, elle leur retourne la politesse : "A cela, je dis simplement, ne venez pas au spectacle et ce n'est pas grave. C’est dommage que mon attitude soit LA chose à critiquer, car honnêtement, la chose la plus effrayante au monde est de monter sur scène devant autant de personnes !", énonce-t-elle au TIME.



Sydney Sweeney elle, enchaîne au fil des promos les séances photos hyper glamour, sans se soucier d'être cataloguée en tant que bimbo. En interviews, elle évoque souvent ses scènes de nu et de sexe, et, inlassablement, doit s'éterniser sur ce sujet qui ne cesse de revenir : sa poitrine. Jugée par les tabloïds et les internautes trop grosse, trop voyante, trop mise en valeur. Trop présente.
Ce corps, elle l'assume complètement, et de ses formes, elle fait une force.
Sydney Sweeney persiste et signe.
Invitée au Saturday Night Live, elle incite ainsi les humoristes à "faire toutes les vannes envisageables sur ses seins" et transforme ses tenues exagérément décolletées en générateurs à gags burlesques. Arbore un t shirt "Désolée d'avoir des seins sublimes" sur ses photos Insta. Et explique en interviews que son corps fait partie de son engagement féministe.
On la lit en interview, où elle assure : "L'une des questions que l'on me pose le plus souvent est : " Êtes-vous féministe ? " Et bien je le suis, en acceptant le corps que j'ai ! C'est mon geste sexy et fort, et je ne pense pas qu'il y ait quelque chose de mal à cela. C'est de cette façon dont je revendique la liberté de mon propre corps... Je les aime mes seins".
"Quand les médias titrent des trucs comme 'Sydney Sweeney affiche son décolleté' ou 'Sydney Sweeney porte une robe scandaleuse', je me dis : 'J'ai juste des seins !'... Et si quelqu'un d'autre la portait cette robe, les journalistes diraient sûrement : 'Oh, c'est si élégant' Ce n'est pas parce que j'ai des seins que ça doit changer la donne !"



Alors que l'une ou l'autre soient, la même semaine, mises au pilori pour "fétichisation" de leur corps, mise en scène jugée déplacée de leur sexualité, ou démonstration trop voyante d'une partie de leur personnalité - la confiance en soi, en son corps et à sa sensualité - n'est-ce pas à l'inverse digne d'un retour de bâton particulièrement réactionnaire ?
Ou ce que l'on nomme : un backlash.
Sous ce nom, celui d'une enquête de la journaliste américaine Susan Faludi, publiée en 1991, qui analyse dès la seconde moitié des années 80 aux Etats-Unis les violentes contre-offensives réactionnaires qui ont pris place outre atlantique suite aux élans contestataires féministes. Dans cet ouvrage accessible en français aux éditions Des Femmes, Faludi explique qu'à chaque avancée pour les droits des femmes, rétorque un retour en arrière fracassant ultra conservateur.
Cela s'envisage depuis 2017 et la révolution #MeToo : victim blaming en pagaille, droits des femmes mis en péril (l'avortement, aux Etats-Unis), "tendances" mortifères et radicales (le mouvement des "tradwives", la montée du masculinisme)...
Bref, que deux femmes hyper influentes de la pop culture d'aujourd'hui soient taclées sur leur démonstration, parfois ambivalente, mais toujours incarnée, de la sexualité, est certainement le fruit de ce retour de bâton global. Car après tout, les qualificatifs de mauvais goût, d'obscénité, d'indécence, qui font office de reproches dans ces débats, sont aussi ceux qu'emploient les misogynes.
Et si on laissait simplement ces deux stars s'exprimer ?
En comprenant que leur corps fait partie de leur expérience non seulement de femme, mais d'artiste. Féminine, et féministe.