Travail domestique non payé : pourquoi les femmes pourraient paralyser l'économie

Publié le Mardi 21 Janvier 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Travail domestique non-payé : pourquoi les femmes pourraient paralyser l'économie
Travail domestique non-payé : pourquoi les femmes pourraient paralyser l'économie
Selon un rapport de l'Oxfam publié ce lundi 20 janvier, les femmes à travers le monde effectueraient 12,5 milliards d'heures de travail non rémunéré. Un constat alarmant dû à un système économique sexiste, assure l'ONG.
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C'est un bilan effarant que dresse l'Oxfam en ce début d'année 2020. Dans son rapport annuel sur les inégalités publié lundi 20 janvier, à la veille du forum économique de Davos, l'ONG aborde non seulement les inégalités de richesse dans le monde, mais plus particulièrement celles entre les hommes et les femmes.

Selon les 30 pages du texte intitulé Celles qui comptent, 1 % des plus riches posséderaient plus du double des richesses cumulées de 92 % de la population (soit 6,9 milliards de personnes), et les 22 plus fortunés réuniraient à eux seuls davantage que l'ensemble des femmes africaines.

"Si vous aviez mis de côté 10 000 dollars par jour depuis l'édification des pyramides, vous auriez cumulé seulement un cinquième de la fortune moyenne des cinq milliardaires les plus riches", explique l'organisation. De quoi donner le vertige. Et susciter l'indignation.

12,5 milliards d'heures non rémunérées


Cette situation se nourrirait ainsi principalement du patriarcat : "Ce clivage profond s'appuie sur un système économique sexiste et injuste qui valorise davantage la richesse d'une minorité privilégiée, constituée d'hommes principalement, plutôt que les milliards d'heures de travail de soin - non rémunéré ou peu rémunéré - des femmes et des filles dans le monde". 12,5 milliards d'heures exactement, entre la cuisine, le nettoyage et les allers-retours pour aller chercher le bois de chauffage ou l'eau, que réalisent de nombreuses femmes sans toucher de salaire.

Un temps qui, s'il était rémunéré, équivaudrait à au moins 10 800 milliards de dollars par an, soit "trois fois la valeur du secteur des technologies à l'échelle mondiale", poursuit l'Oxfam, elle-même évaluée à 3 200 milliards annuels par la société Forrester, spécialisée en études de marché dans le domaine. Un temps qui n'est ni consacré à un travail aux revenus décents, ni à l'école, puisque le rapport prend en compte les femmes et les filles âgées de 15 ans et plus.

La solution ? Bâtir un monde plus féministe

Les femmes les plus touchées sont les habitantes des pays à bas revenus (en développement ou sous-développés) avec 14 heures de travail non rémunéré par jour en moyenne selon le rapport. Mais ces inégalités de genre sévissent également dans les pays développés. Denise Byrnes, directrice générale chez Oxfam Québec, rappelle notamment dans une interview avec Le Devoir la précarité dans laquelle vivent beaucoup de proches aidantes québécoises, et lance un constat alarmant : "Si demain matin, toutes les femmes arrêtaient leur travail domestique, parental ou de soutien aux proches, des piliers entiers de l'économie seraient paralysés".

La solution mise en avant par l'ONG : bâtir un monde plus féministe. Investir dans les services publics et s'attaquer à la déréglementation financière, aux systèmes fiscaux partiaux et aux règles facilitant l'évasion fiscale. Elle calcule d'ailleurs qu'en imposant de 0,5 % de plus les 1 % les plus riches pendant les dix prochaines années, on pourrait créer 117 millions d'emplois dans les domaines de l'éducation, de la santé et de l'accompagnement des personnes âgées, où les femmes oeuvrent en majorité.

Le forum économique de Davos, dans les Alpes suisses, débute ce mardi 21 janvier jusqu'au 24 janvier, et sera articulé autour du thème "un monde plus solidaire et durable". Espérons que les 2800 participant.es, parmi lesquel·les Donald Trump ou encore Greta Thunberg, entendent réellement les conclusions de l'ONG.