La Tunisie avance vers l'égalité homme-femme devant l'héritage

Publié le Mardi 14 Août 2018
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
L'égalité de l'héritage en Tunisie
L'égalité de l'héritage en Tunisie
En Tunisie, les femmes n'héritent que de la moitié d'une part d'un homme lors de l'héritage. Une disposition que le président tunisien veut voir changer mais pas complètement pour ne pas brusquer les conservateur·trices·s.
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En Tunisie, encore aujourd'hui en 2018, les femmes ne touchent que la moitié de la part d'un homme au même degré de parentalité dans l'héritage. Cette disposition qui se base sur la loi coranique est suivie dans plusieurs des pays voisins.

Une situation que le président Béji Caïd Essebsi avait promis de changer. Lundi 13 août, lors d'un discours dans la ville de Carthage à l'occasion de la fête des "droits de la femme" tunisienne, il a annoncé le dépôt d'un projet de loi pour assurer l'égalité en matière d'héritage.

L'annonce de Béji Caïd Essebsi fait suite à la publication en juin dernier d'un rapport de la Commission des libertés individuelles et de l'égalité (Colibe) qui veut traduire dans la loi les libertés et l'égalité inscrite dans la constitution de 2014.

Un projet qui ne fait pas l'unanimité

Pour que le projet passe alors que la majorité de la population tunisienne est contre, la proposition soutenue par le président prévoit que l'égalité de traitement entre descendant·e·s hommes et femmes soit respectée.

Mais, le testateur, l'auteur du testament, s'il le souhaite, pourra demander devant le notaire, de son vivant, que les femmes de sa famille n'obtiennent qu'une demi-part, selon la règle des deux tiers-un tiers. Les héritières pourront aussi refuser leur part entière et n'en demander qu'une demi.

L'Association tunisienne des femmes démocrates s'exprime par la voix de sa présidente Yosra Frawes interrogée par Jeune Afrique : "L'histoire de la législation tunisienne démontre qu'à chaque fois qu'on laisse place à l'exception, celle-ci se fait toujours au détriment de l'égalité homme-femme." Elle se dit "frustrée".

Jeune Afrique fait également intervenir Fadhel Achour, imam et secrétaire général du syndicat des cadres religieux. Il est lu-même déçu : "Nous attendions une prise de position audacieuse et historique, nous avons eu droit à une position purement politique [...]. Il faut cesser de craindre les confrontations et le mécontentement d'une partie de la population. L'État devrait montrer l'exemple et être un rempart aux rétrogrades".

La fin de la dot ou du statut de chef de famille

Mais dans l'autre camp, il y a les conservateur·trice·s qui se sont réunis samedi 11 août pour protester. Ils et elles étaient plus de 5000 devant le Parlement. Le parti Ennahda détient 69 sièges au parlement sur 217, ce qui en fait le premier parti politique à siéger face au parti présidentiel de Nidaa Tounes.

Comme l'explique le journal Le Monde, il faudrait une coalition de tous les autres partis pour que la proposition passe, mais tous ne sont pas d'accord avec le projet alors que l'opinion n'est majoritairement pas pour.

En guise de contre proposition, les conservateur·trice·s ont proposé le statu quo et de garder les dispositions basées sur la loi coraniques. Ils et elles proposent quand même que ceux et celles qui le souhaitent puisse faire valoir devant notaire leur volonté de partager à part égale leur héritage entre hommes et femmes. Ils et elles défendent en effet le fait que c'est l'homme qui subvient au besoin du foyer et que c'est donc à lui d'obtenir la plus grosse part.

Le président tunisien n'a donné aucune date dans son discours alors que le Parlement tunisien a déjà beaucoup de travail en retard. Aussi, les législatives et la présidentielle sont prévues en 2019.

Dans son rapport, la Colibe a aussi proposé la fin de la dot lors des mariages, la suppression du statut de chef de famille, le remplacement de la peine de prison par une amende pour l'homosexualité et la restriction des cas d'application de la peine de mort.