"Nous sommes transgenres et nous voulons juste vivre en paix"

Publié le Lundi 18 Novembre 2019
Tribune contre les violences transphobes
Tribune contre les violences transphobes
Céline Audebeau est une femme transgenre. Alors que les violences transphobes s'accroissent en France, elle pousse un cri de colère dans cette tribune.
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Les violences transphobes explosent. Selon les signalements reçus par l'association SOS Homophobie, 171 cas d'agressions, insultes ou discriminations contre les personnes transgenres ont été recensés en 2017, soit une hausse de 54 % en seulement un an. Pourtant, les condamnations restent faibles. Mais que se passe-t-il ? Les personnes agressées sont-elles considérées comme trop "différentes" ? Cela n'excuse en rien ces lâches qui pour la plupart se mettent à plusieurs pour commettre leurs méfaits.


Qu'il s'agisse de la couleur de peau, de la religion, de l'orientation sexuelle, de l'orientation de genre, notre société devient de plus en plus hermétique et se radicalise.

Si j'en viens à parler de ce sujet, c'est que je suis une personne transgenre et n'ai jamais été interpellée dans la rue ni agressée d'aucune manière. Pourquoi ?

Tout d'abord, j'ai la chance de vivre au Vietnam où la tolérance est grande et où les personnes transgenres ne font pas peur. Je rentre régulièrement en France, je suis relativement exposée dans les médias mais rien ! Je prends le métro, le train, je fais du shopping, je n'ai jamais eu la moindre petite remarque. Bien au contraire, je bénéficie de soutiens et d'énormément d'empathie. Je ne me sens pas différente des autres, je traîne ma carcasse masculine parfois comme un boulet mais je m'assume, je garde la tête haute et ne baisse jamais les yeux devant quelqu'un qui me regarde, au contraire, je lui souris et il n'a d'autre choix que de me répondre avec un sourire.

C'est le fameux "passing" dont toutes les personnes transgenres parlent. Ce passing qui nous permet d'être identifiées dans le genre désiré, de cocher les cases qui permettent de faire partie de cette sacro-sainte norme. Ce conformisme, qui n'a aucune existence réelle, est élastique, il se contracte, se dilate, il change en permanence.


Certaines personnes transgenres ont la chance d'avoir un physique qui "s'adapte" au nouveau genre, d'autres ont recours aux hormones et/ou à la chirurgie. Enfin, il y a celles et ceux qui ne souhaitent rien faire, ni traitement hormonal, ni chirurgie, qui souhaitent conserver leur corps tel qu'il est et qui ne s'identifient à aucun genre ou aux deux genres, ce sont les non-binaires.

Visiblement, je respecte les codes de la norme, je suis considérée comme une femme partout où je passe, je n'en espérais pas tant. Je m'étais préparée à me réfugier en Thaïlande car je pensais que l'acceptation de ma transition allait être très difficile, que tout le monde verrait que je suis biologiquement un homme et puis non, rien !

Céline Audebeau milite pour les droits des personnes transgenres
Céline Audebeau milite pour les droits des personnes transgenres

"La différence engendre la peur qui se traduit par de l'agressivité"


Souvent, ce sont les personnes en cours de transition, commençant un traitement hormonal ou en attente d'une chirurgie, qui sont les plus stigmatisées ainsi que les personnes non-binaires. Il faut vraiment se poser la question : "En quoi cela me gêne-t-il si telle ou telle personne s'assume dans un genre différent ?"

Les binaires représentent la grande majorité de la population mondiale qui se considère du genre biologique attribué à la naissance. Une grande partie des personnes transgenres sont binaires, c'est-à-dire qu'elles s'identifient au genre opposé. En ce qui me concerne, mon genre de naissance est masculin mais je m'identifie aujourd'hui à 100% au genre féminin. Ces personnes transgenre binaires vont tout mettre en oeuvre pour s'intégrer dans leur nouveau genre et sont généralement bien acceptées.

Une étude récente affirmerait que 13% de jeunes se diraient non-binaires, c'est-à-dire qu'ils ne s'identifient à aucun genre ou aux deux. Les nuances à l'intérieur de ce sous-ensemble sont vastes et désignées par des termes qui naissent presque tous les jours :

Bigenre, agenre, polygenre, neutre, neutrois, demi-femme, demi-homme, gender fluide, androgyne, neuro-genre, maverick, xeno-genre...

Ces personnes non-binaires sont également davantage stigmatisées car elles ne cachent pas leur genre biologique.

La différence engendre la peur qui se traduit par de l'agressivité qui devient contagieuse et nous voilà dans une spirale sans fin. Si cette personne a envie de vivre différemment, en quoi cela pourrait-il m'affecter ? De quoi devrais-je avoir peur ? Qu'il soit plus heureux que moi ? Qu'il trouve un équilibre dans sa vie ?

Soyons honnêtes, nous n'aimons pas les gens qui ont le courage de s'affirmer et qui sont heureux. Nous n'aimons pas les gens qui ne nous ressemblent pas : ils et elles sont en fait le reflet de nos échecs, ils et elles ont eu le courage d'être différent.es, de s'écarter de la norme et pas moi !

On ne demande rien d'autre que de vivre en paix. Le combat que nous menons pour enfin vivre en accord avec notre genre est extrêmement difficile. Quand nous y parvenons enfin, nous devons faire face à l'intolérance et la violence de certains. Comme toujours, l'éducation prévaut à la répression et j'espère y contribuer à ma petite échelle... Laissez-nous vivre !

Céline Audebeau.

Autrice de Du masculin au féminin, mon parcours singulier aux éditions Kawa.