Le meurtre de Chantel Moore, jeune Autochtone tuée par la police, indigne le Canada

Publié le Lundi 08 Juin 2020
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
La mort de Chantel Moore, Autochtone tuée par la police, indigne le Canada
La mort de Chantel Moore, Autochtone tuée par la police, indigne le Canada
Chantel Moore, jeune Autochtone de 26 ans, a été tuée chez elle, dans la province canadienne du Nouveau-Brunswick, par un membre des forces de l'ordre locales. Un meurtre qui suscite la révolte dans le pays, à l'heure où de nombreux pays se soulèvent contre les violences policières et le racisme systémique.
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Jeudi 4 juin, Chantel Moore, une jeune Autochtone de 26 ans, membre de la nation Tla-o-qui-aht de Colombie-Britannique et mère d'un enfant de 5 ans, a été tuée par la police, chez elle. Elle est morte après qu'un policier lui ait tiré dessus, alors qu'il effectuait un "wellness check" à son appartement. Le "wellness check", c'est le fait de se rendre au domicile d'une personne pour s'assurer qu'elle aille bien et rapporter son état de santé, explique Slate. Dans le cas de Chantel Moore, un ancien petit ami qui aurait alerté la police, précisant qu'il s'inquiétait pour elle car elle aurait été victime de harcèlement depuis qu'elle avait déménagé.

D'après le service de police, l'agent en charge de la procédure se serait retrouvé face à une femme menaçante avec un couteau entre les mains. Il l'a donc abattue par balle. Une version incohérente selon la grand-mère de la jeune femme décédée, qui ne croit pas qu'elle ait pu s'en prendre au policier, ajoutant qu'elle était "minuscule". Alors que de nombreux pays se soulèvent contre les violences policières et le racisme systémique, le Canada et le traitement des Autochtones sont pointés du doigt.

"Un schéma qui se répète sans cesse"

"Beaucoup trop de Canadiens ressentent de la peur et de l'anxiété à la vue d'un agent de la force publique", reconnait Justin Trudeau, Premier ministre du Canada, lors d'une conférence de presse à Ottawa le vendredi 5 juin. "Au cours des dernières semaines, nous avons vu un grand nombre de Canadiens s'éveiller soudainement au fait que la discrimination est une réalité vécue par beaucoup trop de nos concitoyens. C'est quelque chose qui doit cesser, et c'est quelque chose sur lequel nous travaillons", assure-t-il.

Pour Perry Bellegarde, chef national de l'Assemblée des Premières nations (APN), il faut se pencher plus durement sur cette pratique, car ce n'est pas la première fois qu'un "wellness check" finit en bain de sang. "Le gouvernement du Nouveau-Brunswick, comme tous les gouvernements, devrait se demander si une intervention armée sans la formation et le soutien des services sociaux appropriés est l'intervention adéquate lors d'une 'vérification de santé'", avance-t-il. Il requiert une enquête indépendante et approfondie à l'aide d'un "tierce partie impartiale afin de déterminer pourquoi une force mortelle a été utilisée, et si la race de la jeune femme a joué un rôle dans la prise de décision des policiers".

Même sidération pour Marc Miller, ministre des Services aux Autochtones : "Je ne comprends pas comment quelqu'un peut mourir pendant un contrôle de bien-être", déclare-t-il. "Il faut qu'il y ait un compte rendu complet de ce qui s'est passé. C'est un schéma qui se répète sans cesse". En fin de semaine dernière, Allan Adam, chef d'une Première nation albertaine a notamment affirmé avoir été brutalisé par des policiers de la Gendarmerie Royale du Canada, en mars.

Le ministre dénonce : "Une fois de plus, nous avons été témoins du cycle de violence et de racisme qui se répète. Nous devons faire face à la réalité : nos institutions continuent de laisser tomber les peuples autochtones du Canada. Nous devons revoir la formation, le recrutement, assurer une plus grande représentation des peuples autochtones dans les forces de police, et nous avons besoin d'une direction forte pour tenir les officiers responsables de leurs actions".

Dans un communiqué, le chef du Grand Conseil de la Nation Anishinabek, une organisation politique représentant 39 Premières Nations en Ontario, il n'y a malheureusement rien de surprenant à ce drame. "Le racisme est là et il l'est depuis plus de 200 ans", martèle-t-il. Et comme le dit Carolyn Bennett, ministre des Relations Couronne-Autochtones, "il y a encore du travail à faire".