"Viol du 36" : les féministes saluent la condamnation notable des deux policiers

Publié le Vendredi 01 Février 2019
Marguerite Nebelsztein
Par Marguerite Nebelsztein Journaliste
Condamnation à 7 ans de prison dans l'affaire du "viol du 36"
Condamnation à 7 ans de prison dans l'affaire du "viol du 36"
Presque cinq ans après les faits, le viol en réunion de deux policiers de la BRI sur une touriste canadienne dans leur locaux a été reconnu par la justice. Un verdict qui satisfait les féministes.
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La libération de la parole concernant les agressions sexuelles et les viols n'est qu'un premier pas. Ça n'est que le début du chemin. Il faut ensuite être entendue, crue et qu'il y ait condamnation.

Tous les viols ne sont pas rapportés à la police, il ne font l'objet de plaintes que dans 10 % des cas, pour les personnes adultes et 4 % pour les mineurs.

Des procédures sont abandonnées en cours de route, faute de preuves. Et ça n'est pas le bout du chemin, puisque seulement 1 à 2 % des viols aboutissent à des condamnations.

La France n'a pas connu de grands retentissements après #BalanceTonPorc, des accusations, sans noms de personnes. Très peu d'agresseur·euses ont fait l'objet publiquement de plainte. Aux États-Unis, Harvey Weinstein qui fait l'objet de plus de cent plaintes servira d'exemple, tout comme Bill Cosby.

En France, il n'y a pas eu de procès emblématique aboutissant à une honte qui change de camp. Le procès des deux policiers de la brigade de recherche et d'intervention (BRI) est en cela notable.

La parole de la victime constamment mise en doute

Dans la nuit du 22 au 23 avril 2014, Emily, Canadienne en vacances à Paris passe sa soirée au bar du quartier Saint-Michel à Paris, le Galway, situé juste en face du 36 quai des Orfèvres, siège de la BRI. Un groupe prestigieux et protégé.

Elle boit avec plusieurs policiers dans le bar, en embrasse certain, avant que l'un d'entre eux lui propose de visiter les locaux de la BRI. Elle hésite, puis finit par accepter. Elle est emmené dans un bureau de la BRI puis violée en réunion. Elle ressort choquée de la pièce et en pleurs. Elle demande à voir une officière de police.

À la fin de l'instruction en 2016, les deux juges avaient ordonné un non-lieu pour cause de charges insuffisantes. Après un appel, le procès à eu lieu ce mois de janvier.

Il n'est pas question ici d'une parole contre parole. De l'ADN des accusés est retrouvé sur Emily ainsi que sur un de ses sous-vêtements. La pièce où tous sont entré·es a également peut-être été nettoyée à l'eau de javel. Des SMS supprimés compromettants pour les policiers ont également pu être retrouvés.

Les féministes satisfaites du verdict

Malgré cela, tout a été reproché à la victime pour la décrédibiliser, pour la faire passer pour une mythomane, défense classique qui consiste à minimiser la parole des femmes en les faisant passer pour des affabulatrices destructrices de vie.

On lui a reproché le nombre de ses anciens amants, le fait qu'elle ait embrassé les policiers dans le bar, sa tenue, son taux alcoolémie, son comportement...

Pourtant c'est tout l'enjeu du consentement, on peut dire oui à un moment et non à un suivant, peut importe sa tenue, son taux d'alcool dans le sang, si c'est non c'est non et si ça n'est pas oui c'est non.

Alors à l'annonce des sept ans de prison pour viol en réunion, les féministes ont parlé de journée à marquer d'une pierre blanche.

L'actrice Sand Van Roy qui a accusé Luc Besson de viol salue le courage de la victime :

Jeudi 31 janvier, soir du verdict, plusieurs chiffres sur les plaintes ont été annoncés. Selon des statistiques du ministère de l'Intérieur publiées le 31 janvier, en 2018, les plaintes pour viol ont augmenté de 17 % et celles pour agression sexuelles de 20 %.

Dans le cas du procès du 36, les avocat·tes des accusés ont expliqué qu'il y aurait un appel de la condamnation. En attendant, les deux hommes ont passé leur première nuit en prison.