Les "stratégies" des Franciliennes pour éviter les agressions dans les transports

Publié le Mardi 02 Novembre 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
66 % des Franciliennes adoptent une stratégie pour éviter les agressions dans les transports
66 % des Franciliennes adoptent une stratégie pour éviter les agressions dans les transports
Une sur cinq, c'est le nombre de femmes empruntant les transports en commun d'Île-de-France qui affirment craindre une agression sexuelle. Une peur bien réelle qui pousse de nombreuses utilisatrices à recourir à des stratégies de protection.
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C'est une étude de l'Institut Paris Région qui avance des chiffre glaçants, bien que peu étonnants, sur les "peurs féminines" dans les transports en commun. "Un cinquième des répondantes appréhendent surtout une agression sexuelle et un autre le harcèlement sexuel ou sexiste", atteste ainsi le rapport. L'intensité de ce sentiment varie en fonction de l'espace, du moment de la journée et de la fréquentation.

La peur de l'agression est ainsi présente à 85 % dans les lieux clos, dans les couloirs, ainsi que dans le wagon (train, métro, tramway ou bus). Celle du harcèlement sexuel ou sexiste est quant à elle présente tout au long du trajet. La moitié des interrogées les redoute dans les rames contre un cinquième sur les quais et dans la gare. Le matin, c'est l'agression verbale qu'elles redoutent, la journée, un vol. Le soir, l'agression sexuelle représente 22,5 % de leurs peurs, et le harcèlement sexiste 23 %.

Plus précisément encore, les Franciliennes ont peur dans les gares désertes et mal éclairées (37 %), lorsqu'une personne alcoolisée ou droguée se manifeste dans les environs (29 %), dans les gares et rames bondées (18 %) ou en présence d'un groupe de jeunes ou d'incivilités (17 %). L'enquête ajoute par ailleurs que la proportion d'hommes qui appréhendent l'agression ou le harcèlement sexuels passe sous les 1 %. Eux, craignent davantage l'altercation physique ou le vol.

Et les disparités entre le vécu des femmes et celui des hommes ne s'arrête - évidemment - pas là : 25 % des hommes questionnés s'estiment capables de repousser l'agresseur. Ce n'est le cas que pour moins de 5 % des participantes à l'étude.

"La non-expérimentation de la violence sexiste est l'exception"

"Il y a quand même des femmes qui n'ont pas eu peur et il y a aussi des hommes, qui ont eu beaucoup plus peur que certaines femmes", note Antoine Vielcanet, chargé d'étude sur la sécurité et co-auteur du rapport aux côtés de Hélène Heurtel, auprès de BFM TV. "Il faut toujours essayer d'être dans cette nuance quand même parce qu'il ne faudrait pas s'imaginer qu'être une femme égale avoir peur. Plus vous avez des profils d'hommes et de femmes qui sont très inquiets, moins vous avez de différences dans les comportements".

Il insiste toutefois sur le fait que les femmes ont une "expérience de l'espace public" différente de celle des hommes puisque "confrontées à des propos et à des invectives qui constituent des intrusions dans leur espace personnel". Et l'étude de l'Institut Paris Région de rappeler : "La règle, pour les femmes, est de risquer la violence sexiste dans l'espace public – la non-expérimentation de la violence sexiste est l'exception".

Alors, pour tenter d'y faire face, les usagères adoptent des stratégies. 13 % des participantes expliquent essayer de toujours prendre les transports en commun accompagnées, 66 % vont jusqu'à modifier leur apparence et 93 % prétendent être occupées pour éviter d'être abordées.

Des techniques révélatrices d'un fléau qui, en 2021 encore, fait peser le poids de la responsabilité et de l'évitement sur les victimes.