A Cambridge, des cours de fertilité pour "rappeler" aux étudiantes de procréer

Publié le Vendredi 15 Octobre 2021
Pauline Machado
Par Pauline Machado Journaliste
Pauline s’empare aussi bien de sujets lifestyle, sexo et société, qu’elle remanie et décrypte avec un angle féministe, y injectant le savoir d’expert·e·s et le témoignage de voix concernées. Elle écrit depuis bientôt trois ans pour Terrafemina.
Des cours à l'université de Cambridge pour "rappeler" aux femmes de tomber enceintes
Des cours à l'université de Cambridge pour "rappeler" aux femmes de tomber enceintes
Le message semble venir d'un autre temps, et pourtant. Dans l'un des derniers "colleges" réservés aux femmes de l'université de Cambridge, des "séminaires de fertilité" seront tenus pour que les étudiantes "évitent d'oublier d'avoir un bébé".
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L'université de Cambridge est divisée en plusieurs "colleges" ou facultés, où sont réparti·e·s les étudiant·e·s. L'une d'elles, Murray Edwards, est l'un des derniers de ces établissements à être réservé aux femmes. Et sa nouvelle présidente, Dorothy Byrne, entend bien rappeler aux étudiantes qu'il n'y a pas que le succès académique et professionnel dans la vie. Non non non.

"On enseigne aux jeunes femmes qu'elles doivent toutes réussir à l'école, obtenir un diplôme, réussir dans leur carrière et être belles", constate l'ancienne journaliste de 69 ans. "Ce qui se perd en cours de route, c'est qu'on oublie d'avoir un bébé". Elle-même, raconte-t-elle, a "bien failli" le faire, avant d'avoir une fille à 45 ans par fécondation in-vitro.

Alors, elle a eu l'idée d'organiser des "séminaires de fertilité", où seront également abordés le harcèlement et le consentement, pour permettre aux jeunes femmes de, justement, "éviter d'oublier d'avoir un bébé".

Le but : prendre conscience de la temporalité de leur fertilité, et que le temps presse, parce que c'est bien connu, "les femmes ne reçoivent pas assez d'informations à ce sujet". Et il s'agirait de leur faire comprendre davantage leur rôle de génitrice comme le fait que, si elle ne s'y mette pas de si tôt (soit avant la mi-trentaine), elles le regretteront à jamais. Traduction : buchez les dictionnaires de prénoms plutôt que de plancher sur votre sujet de thèse.

Vous avez dit injonction à la maternité ?

Natalité en baisse et menace de l'"horloge biologique"

Derrière cette initiative archaïque, il y a une réalité : le Royaume-Uni enregistre une natalité en baisse. D'après les dernières données de l'Office for National Statistics ont montré que l'indice synthétique de fécondité en Angleterre et au Pays de Galles a diminué, passant de 1,58 enfant par femme en 2020 à 1,53 au premier trimestre 2021.

L'encouragement aux grossesses des ressortissantes et résidentes britanniques pourrait-il donc prendre racine dans un souci démographique et une démarche patriarcale, plus que dans l'envie de "rappeler" aux concernées qu'il faut concevoir par pure générosité ? Tiens donc.

On se demande toutefois : la menace de l'"horloge biologique" est-elle à prendre au pied de la lettre ? D'après une étude relayée par The Guardian, pas vraiment. Déjà, la fameuse date butoir des 35 ans serait passée à 37,1 ans. Surtout, cet "âge pivot" viendrait de données françaises s'étalant entre 1670 et 1830, lorsque l'espérance de vie ne dépassait pas les 30 ans. Il serait peut-être judicieux de les actualiser. Et de prendre aussi en considération la croissante infertilité masculine, au passage.

Auprès de Libération, la gynécologue Clémence Roche éclaire en outre : "A 35 ans, ce n'est pas du tout fini", affirme-t-elle. "Ça peut devenir plus compliqué à partir de 38 ans. Les taux de fausses couches augmentent à cet âge-là." Et de préciser que, si le stock d'ovules diminue bien à partir de 35 ans, le premier facteur qui permet la fertilité des femmes, c'est "la qualité des ovules, c'est-à-dire la capacité qu'un ovule tous les mois puisse donner une grossesse à terme". CQFD.