Au travail, les femmes autoritaires sont jugées moins compétentes

Publié le Mercredi 12 Août 2015
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Les femmes autoritaires sont jugées moins compétentes que les hommes
Les femmes autoritaires sont jugées moins compétentes que les hommes
Selon le cabinet de formation VitalSmarts, femmes et hommes sont loin d'être traités en égaux lorsqu'ils expriment leurs émotions au travail. Tandis que ces derniers sont considérés comme puissants et compétents lorsqu'ils se mettent en colère devant leurs collègues, les femmes qui manifestent leur mécontentement risquent au contraire d'être pénalisées.
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Nous savions déjà que les émotions et les réactions des femmes au travail étaient jugées différemment de celles des hommes au travail. Alors que ces derniers peuvent exprimer à loisir leur "puissance" dans l'open space en râlant auprès de leurs collègues, en exprimant tout haut leur exaspération, voire en tapant une fois de temps en temps du poing sur la table en réunion, les femmes doivent pour leur part contenir leurs humeurs sous peine de passer pour la "chieuse" ou l'"hystérique" du service.

Ce parti pris sexiste vient d'être confirmé par une nouvelle étude sur l'inégalité entre les sexes en milieu professionnel. Dirigée par VitalSmarts, un cabinet de formation située en Utah, aux États-Unis, l'étude révèle que la rémunération des femmes peut diminuer de plus de 15 000 dollars si elles font un peu trop souvent preuve d'autorité au travail.

Une inégalité devant l'expression des émotions

Pour parvenir à cette conclusion, VitalSmarts a demandé à plus de 11 000 salariés de visionner des saynètes vidéo où hommes et femmes cadres se montraient critiques envers leurs employés. Il leur a ensuite été demandé d'évaluer le niveau de compétences de chaque manager et d'estimer le salaire que chacun mérite.

Parmi les salariés interrogés, 7 921 ont reçu en amont du visionnage des indications éclairant le contexte de l'entretien : "Je vois cela comme une question d'honnêteté et d'intégrité, il est donc important pour moi d'être claire sur ce que je ressens" et "Je sais que c'est risqué pour une femme de parler de cette manière, mais je vais quand même exprimer mon opinion de manière très directe."

Il s'est avéré que les femmes managers s'étant montrées critiques ou agacées durant la scène ont étés évaluées comme 35% moins compétentes que celles parlant avec moins d'assurance. Les sondés ont également jugé qu'elles méritaient une réduction de salaire de 15 088 dollars par an.

À titre de comparaison, les hommes s'étant montrés fermes et autoritaires durant leurs entretiens n'ont vu leur rémunération annuelle réduite "que" de 7 000 dollars.

"Parler de manière énergique et affirmée est particulièrement risqué pour les femmes, explique l'auteur de l'étude Joseph Grenny. Il existe une inégalité devant les émotions qui punit davantage les femmes que les hommes." Pourquoi ? "Parce que les femmes se doivent d'être conformes aux stéréotypes culturels qui les cataloguent comme bienveillantes et nourricières... À degré de confiance en soi équivalent, les femmes sont jugées bien plus sévèrement que les hommes."

Mieux encadrer pour lutter contre les préjugés

Comment lutter contre ces stéréotypes qui entravent la carrière des femmes ? L'étude de VitalSmarts avance quelques pistes.

Premièrement : cadrer ses entretiens avant d'émettre toute critique ou reproche à son équipe pour atténuer les préjugés autour des "femmes à poigne". Lors de l'expérience menée par le cabinet, il a été en effet constaté que les femmes cadres qui contextualisaient l'entretien en affirmant vouloir faire preuve d'honnêteté étaient jugées moins sévèrement pour leur franchise. Mieux : en donnant des indications claires quant à ce qu'elles ressentaient, elles ont réussi à diminuer de 27% l'impact des préjugés sexistes.

Enfin, l'équipe du professeur Joseph Grenny note l'importance d'intégrer la reconnaissance des préjugés sexistes dans les formations professionnelles. "Hommes et femmes doivent apprendre à connaître et à utiliser les mêmes compétences d'encadrement. C'est un moyen relativement facile d'atténuer [les stéréotypes qui nuisent aux femmes]."

"La lutte pour l'égalité femmes-hommes à long terme évolue, mais elle évolue très lentement. La solution serait que les organisations et les leaders d'opinion prennent les devants, et éventuellement qu'ils soient soutenus par des structures juridiques", conclut Joseph Grenny.

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