Pourquoi aller voir "Retour à Séoul" et son héroïne incandescente

Publié le Vendredi 27 Janvier 2023
Catherine Rochon
Par Catherine Rochon Rédactrice en chef
Rédactrice en chef de Terrafemina depuis fin 2014, Catherine Rochon scrute constructions et déconstructions d’un monde post-#MeToo et tend son dictaphone aux voix inspirantes d’une époque mouvante.
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Avec "Retour à Séoul", le réalisateur franco-cambodgien Davy Chou livre un beau film sur la quête d'identité, porté par un personnage féminin fort et complexe.
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"Tu as les traits d'une pure Coréenne", lui dit-on au détour d'un bar. Freddie s'interroge. "Merci ?", réplique-t-elle. Que doit-elle répondre, elle à qui l'on a souvent fait remarquer qu'"elle ne ressemble pas à une Française" ? La jeune femme de 25 ans a pris un avion pour Séoul sur un coup de tête. Mais son voyage impromptu est en réalité tout sauf anodin. Car derrière cette impulsion se niche tout un pan d'enjeux vertigineux. Freddie est née de parents biologiques coréens et a été adoptée par une famille française. Partant à la recherche de ses géniteurs, son séjour en Asie se transformera en voyage initiatique, à la fois virevoltant et douloureux.


Avec ce Retour à Séoul, Davy Chou nous confronte aux questionnements intimes des personnes adoptées. Pour son deuxième long-métrage, le jeune réalisateur s'est inspiré de l'une de ses amies, adoptée en France à l'âge d'un an, qu'il avait accompagnée à la rencontre de son père biologique en Corée. "Je me suis retrouvé à déjeuner avec son père et sa grand-mère biologiques. Dans cet échange, il y avait tout un mélange d'émotions, de la tristesse, de l'amertume, de l'incompréhension, des regrets."

A partir de cette expérience qui l'a profondément remué, le cinéaste, lui-même né en France de parents cambodgiens, a voulu interroger les identités, les rapports au monde et à soi. ici, Freddie va tisser des relations toxiques avec ce pays qui lui ressemble tant et si peu. Et sa quête va prendre des allures d'errance qui se déploiera sur huit ans, entre accès de rage, revirements et silences butés.

Une héroïne explosive

Le réalisateur colle au plus près de cette héroïne paumée dans un "Lost in Korea" aux remous punks. Et pour incarner cette figure incandescente, qui dissimule sa tristesse et sa solitude derrière ses provocations, il a choisi une débutante, Park Ji-Min, artiste plasticienne née en Corée du sud et débarquée en France à huit ans.

"J'avais créé un personnage peut-être plus classique sur des questions vestimentaires, de séduction. Ce sont des choses qui ont tout de suite bloqué Ji-Min qui y voyait la reproduction d'une vision masculine", détaille Davy Chou. "On a fini par penser à Furiosa dans Mad Max : Fury Road de Georges Miller. Petit à petit, c'est devenu une guerrière. Je voulais aussi faire un pas de côté par rapport à ce qu'on attend ou imagine de la représentation des personnages féminins asiatiques dans les films. Souvent, ce sont des héroïnes délicates, dont on irait filmer l'intériorité. Là, on a un personnage qui explose, qui ne fait pas plaisir, qui gratte."

A travers les différentes strates d'existence de ce personnage complexe, le réalisateur apporte un regard nouveau sur le cheminement des personnes adoptées, moins simpliste, plus profond. Son Retour à Séoul se révèle vibrant et mélancolique, à l'image de sa Freddie si singulière.