On entend déjà les violons, et pourtant ce mélo ne sombre jamais dans le pathos. C'est l'histoire d'une jeune mère qui élève seule sa fille et doit en parallèle s'occuper de son père, philosophe atteint d'une maladie neurodégénérative. En lui rendant visite dans sa maison de repos, elle va (re)trouver l'amour... Mais sa vie peut-elle encore être bousculée ?
Ce synopsis est celui de Un beau matin, long-métrage de Mia Hansen-Love qui porte bien son nom tant son éclat et sa joliesse sont effectivement indéniables. Une séance proposée gratuitement sur le site d'ARTE, jusqu'en octobre prochain, et qui est venue nous toucher en plein coeur. Ce qui nous épate surtout dans ce film en vérité, c'est la délicatesse du regard que sa cinéaste accorde à son actrice principale.
Celle-ci, Léa Seydoux, comédienne passant sans mal des superproductions hollywoodiennes (de James Bond à Dune) aux films d'auteur hexagonaux, trouve là son plus grand rôle.
Grand, oui, car il est fait de tout l'inverse, exactement : un minimalisme, une épure, une finesse qui n'a d'égale que la tonalité de cette oeuvre douce-amère. Comme un symbole, l'actrice y aborde par ailleurs une apparence physique aux antipodes de son traditionnel statut d'égérie fashion : cheveux courts, sans makeup, comme si cette nouvelle coupe symbolisait sa partition, sans fioritures, simple, directe, aérée.
Plus que belle, cette matinée. Ou vous raconte.
Un beau matin de Mia Hansen-Love, c'est l'anti-Amour, ce film de Michael Haneke - à rattraper également sur ARTE, d'ailleurs ! - qui représente la fin de vie sous l'égide du tragique, du funèbre, du drame qui glace, malgré la beauté de ses comédiens légendaires. Tout l'inverse, car la réalisatrice privilégie l'espoir solaire des lendemains qui chantent, du nouveau chapitre qui s'écrit après l'averse.
En témoigne, sa photographie lumineuse, et sa comédienne qui vient se poser au coeur de chaque cadre, comme pour l'éblouir. L'amour qu'elle vit et éprouve, qu'il soit maternel ou conjugal, se ressent et c'est sa sensibilité qui importe plus que tout. En nous la faisant partager, mais surtout, en s'y attardant avec une bienveillance indéniable, Mia Hansen-Love déploie une belle démonstration de "regard féminin" : l'attention sororale portée d'une femme à l'autre. Pas besoin d'élaborations glamour pour magnifier une actrice, la tendresse suffit.
D'ailleurs, elle s'envisage aussi dans le traitement des affects des trajectoires des divers personnages, cette tendresse : de notre protagoniste, laquelle va faire en sorte de préserver le passé - la bibliothèque de son père - tout en chérissant le bonheur éphémère de l'instant présent (son idylle, son quotidien de maman) à la forte personnalité de sa mère (l'inénarrable Nicole Garcia !), qui elle s'engage dans les luttes écologistes : une autre manière là encore d'ailleurs de prendre soin des lendemains...
Cette empathie, cette minutie du regard, tout cela nous fait furieusement penser à un autre très beau portrait de femme et de mère de famille, qui à l'unisson s'apparente à une déclaration d'amour - symbolique - d'une cinéaste à son actrice : Les enfants des autres de Rebecca Zlotowski, où Virginie Efira déploie une nouvelle nuance de son talent pluriel. On retrouve ce même sentiment, cette égale compréhension d'une sensibilité qui n'a pas besoin de longs discours pour se dévoiler...
"Ce mélodrame délicat de Mia Hansen-Love aborde avec beaucoup de tact et d'intelligence la dégénérescence de ce père philosophe qui n'y voit plus clair, et par ce prisme les conditions de placement des personnes âgées en France, une question devenue cruciale ces dernières années", décrypte ARTE. "Léa Seydoux, coupe courte et sensibilité à fleur de peau, excelle dans ce personnage du quotidien pris dans des courants contraires : elle perd peu à peu son père mais retrouve l'amour".
Vous en faut-il vraiment davantage pour le visionner ?
Attention, ça fait chialer.