La Pologne veut encore restreindre le droit à l'avortement

Publié le Lundi 15 Janvier 2018
Charlotte Arce
Par Charlotte Arce Journaliste
Journaliste en charge des rubriques Société et Work
Les Polonaises se mobilisent à nouveau pour défendre le droit à l'avortement
Les Polonaises se mobilisent à nouveau pour défendre le droit à l'avortement
Le parlement polonais a envoyé en commission mercredi 10 janvier un texte qui prévoit d'interdire les avortements décidés en raison d'une malformation du foetus.
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Déjà restreint aux seuls cas de viol, d'inceste ou de malformation sévère du foetus, l'avortement pourrait bien devenir totalement illégal en Pologne, où l'Église catholique continue d'exercer une forte influence.

Un an après la forte mobilisation des Polonaises pour défendre l'IVG, le parlement a envoyé en commission mercredi 10 janvier un texte de loi qui prévoit à nouveau de restreindre les conditions d'accès à l'avortement. Déposé fin novembre par le Comité Stop Avortement, qui réunit plusieurs associations opposées à l'IVG, ce texte souhaite interdire "l'avortement eugénique", c'est-à-dire décidé suite à la constatation, lors d'un examen prénatal, d'une malformation du foetus ou de possibles handicaps lourds ou irréversibles. Soutenu par 800 000 signataires, le texte, s'il est adopté, pourrait n'autoriser l'avortement que dans deux cas de figure : s'il existe un risque pour la vie ou la santé de la mère ou si la grossesse résulte d'un viol ou d'un inceste.

Les Polonaises à nouveau mobilisées pour l'IVG

Ce n'est pas la première fois que le gouvernement polonais actuel cherche à restreindre le droit des femmes à disposer librement de leur corps. Depuis son arrivée au pouvoir en 2015, le parti conservateur Droit et Justice (PiS), proche de l'Église catholique, a notamment mis un terme au programme de financement de la fécondation in vitro par l'Etat et l'imité l'accès à la "pilule du lendemain", qui n'est désormais accessible que sur prescription médicale.

Il avait déjà tenté, en 2016, de restreindre fortement le droit à l'avortement. Une loi similaire au texte actuellement examiné en commission prévoyait aussi de réserver l'avortement aux grossesses résultant d'un viol ou d'un inceste, ou quand la vie de la mère était en danger. Les sages-femmes et médecins pratiquant des IVG étaient quant à eux passibles de cinq ans d'emprisonnement.

Finalement, la forte mobilisation des Polonaises, vêtues de noir pour défendre leurs droits sexuels et reproductifs avait eu raison du projet du gouvernement, abandonné en octobre 2016. "Les mouvements ultra-conservateurs, soutenus par l'Église catholique, prennent les femmes en otage pour rétablir un supposé 'naturel' ordre moral. Une vraie régression non seulement pour les femmes, mais pour la démocratie et pour les libertés fondamentales car il s'agit bien de la remise en cause des droits fondamentaux des femmes à la maîtrise de leur fécondité et de leur procréation", avait alors déclaré le Planning Familial français, à l'origine d'une vaste manifestation organisée le 2 octobre devant l'ambassade de Pologne en France.

Le 5 octobre 2016, Le Ministre des Sciences et de l'Éducation Supérieure, Jaroslaw Gowin, avait ainsi déclaré que la résistance des femmes "les avait fait réfléchir et leur avait donné une leçon d'humilité."

Une leçon que le gouvernement a vite fait d'oublier, mais que comptent bien leur rappeler les femmes polonaises. Jeudi 11 janvier, une centaine de manifestantes se sont réunies devant le parlement pour "défendre les droits de l'homme et les droits des femmes", rapporte l'AFP. "Je réfléchis très sérieusement à émigrer, a expliqué à France Info Kamila Radecka, qui participait au rassemblement. J'aime beaucoup mon pays, mais le climat politique change tellement que je n'imagine pas faire naître et élever mes enfants ici."