Vous partagez des photos de vos enfants sur Internet ? Ce n'est pas sans conséquences

Publié le Vendredi 18 Novembre 2022
Clément Arbrun
Par Clément Arbrun Journaliste
Passionné par les sujets de société et la culture, Clément Arbrun est journaliste pour le site Terrafemina depuis 2019.
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Vous partagez des photos de vos enfants sur Internet ? Ce n'est pas sans conséquences
Les enfants sont surexposés aux dangers d'internet, alerte la Défenseure des droits dans un nouveau rapport alarmant. Claire Hedon en appelle notamment au respect de leur vie privée et à une large sensibilisation.
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Cyberharcèlement, cybersexisme, incitation au suicide... Dans son nouveau rapport annuel consacré aux droits de l'enfant publié ce jeudi 17 novembre, la Défenseure des droits Claire Hédon, qui a pris en compte les témoignages de plus de 1 100 enfants, prévient des dangers quotidiens qu'encourent les enfants sur Internet. Et notamment, les 10-14 ans.

Malgré cette "exposition publique dangereuse", pour reprendre les termes de la Défenseure des droits, les chiffres sont alarmants : 82% des 10-14 ans vont sur le web seuls, sans accompagnement parental, selon une enquête menée par l'Ifop pour la Cnil en février 2020. Parmi les violences que peuvent subir les enfants, demeure celui du cyberharcèlement, de l'école au domicile. "Cette continuité entre l'école et la sphère privée de la vie de l'enfant ne lui laisse plus aucun répit dans son exposition à la violence", observe Claire Hédon.

C'est pour cela que la Défenseure en appelle aujourd'hui à "une vigilance particulière". Des dangers encourus par les enfants, et qui viennent parfois... Des parents eux-mêmes. Ainsi Claire Hédon alerte-t-elle également quant au "sharenting", autrement dit la publication en ligne des photos d'enfants par leurs parents.

"Le droit à la vie privée n'est pas réservé aux adultes"

"Pour les enfants, le droit à la vie privée n'a rien d'une évidence", déplore également la Défenseure, qui voit en le "sharenting" (le partage de photos et de vidéos d'enfants de votre entourage sur les médias sociaux) une atteinte directe à la vie privée des enfants, et plus encore "des intrusions quotidiennes qui les privent de leur capacité à définir leur propre identité".

Selon la Direction générale de l'enseignement scolaire (Dgesco), 25 % des collégiens auraient ainsi déjà connu au moins une atteinte à leur vie privée en ligne. C'est inquiétant.

"Le droit à la vie privée n'est pas réservé aux adultes mais vaut aussi pour les enfants. Il y a un droit de l'enfant à la protection contre toutes les formes d'immixtion arbitraires ou illégales dans sa vie privée, à son domicile, dans sa correspondance, ou contre les atteintes à son honneur, à sa réputation. Les réseaux sociaux soulèvent aussi de nouvelles questions : on a l'impression que le journal intime qui, avant, restait dans la chambre, est désormais mis à la disposition de tout le monde...", a développé la Défenseure auprès de Ouest France.

Exemple concret ? Les célébrités qui créent des comptes pour leurs jeunes enfants. C'est notamment le cas des stars de téléréalité Carla Moreau et Kevin Guedj : le compte de leur fille de 3 ans est suivi par près d'un million de personnes. Une situation qui a fait réagir Claire Hédon sur le plateau de C à Vous : "Qu'est-ce que ces enfants en penseront à l'âge adulte ? La question du travail des enfants se pose là, parce qu'au bout d'un moment c'est quand même quelque chose de cet ordre-là. Et donc les enfants ont besoin d'une protection. Je pense qu'il faut régulièrement se poser la question : est-ce que ce que je fais est dans l'intérêt de mon enfant ?'".

Poser des limites

L'un des grands enjeux finalement soulevés par ce rapport ? Protéger l'enfant sans pour autant porter atteinte à sa vie privée. "Le droit à la vie privé est fondamental, mais il n'est pas absolu. Il est normal que, pour protéger l'enfant, des limites soient posées quand la situation l'exige... Mais la tentation face à la violence des réseaux sociaux est peut-être de trop limiter la vie privée de l'enfant sous prétexte de le protéger. Il est nécessaire de trouver un équilibre constant", précise encore la Défenseure des droits, pour qui la meilleure façon de protéger les enfants sont l'éducation et la sensibilisation, des enfants, mais aussi des parents et professionnels.

Cela doit notamment passer par l'éducation. Claire Hédon désirerait notamment l'inscription dans la loi de modules obligatoires d'éducation au numérique à destination des élèves. Une première bonne solution ?